Pascal Dusapin

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	<p>Pascal Dusapin © Marthe Lemelle Salabert</p>

Pascal Dusapin © Marthe Lemelle Salabert

C’est à dix-huit ans que Pascal Dusapin, né le 29 mai 1955 à Nancy, découvre Arcana d’Edgar Varèse. Sa vie se confondra désormais avec la composition. Auparavant, il y a eu l’éveil musical, au détour de vacances familiales : un trio de jazz dans un hôtel lui inspire l’envie de jouer de la clarinette, son père le met au piano, puis à dix ans il découvre l’orgue. À grandir entre un village lorrain et la banlieue parisienne, il n’a choisi aucune obédience et s’est passionné pour Bach et les Doors, le free jazz et Beethoven, s’abreuvant des découvertes musicales propres aux années 70. 

Il suit de 1974 à 1978 les cours de Iannis Xenakis, qu’il perçoit comme le dépositaire de Varèse. Xenakis, un « maître à penser autrement », élargit son horizon aux mathématiques et à l’architecture. Ses premières pièces, Souvenir du silence (1975) et Timée (1978) trouvent l’écoute et le soutien de Franco Donatoni et Hughes Dufourt. André Boucourechliev lui lègue de précieux conseils : « N’oublie jamais un instrument au fond de l’orchestre », « La sincérité n’est pas une valeur en art »…

En 1977, il remporte le prix de la Fondation de la Vocation ; en 1981, celui de la Villa Médicis, où il séjourne deux ans et écrit Tre Scalini, Fist, son premier Quatuor, Niobé. À l’été 1986, il écrit Assaï pour le ballet de Dominique Bagouet, grande rencontre humaine et artistique : la tournée l’emmène de par le monde pendant des années.

En 1986, appuyé par Rolf Lieberman, il s’engage dans son premier opéra, écrit en collaboration avec Olivier Cadiot : Roméo & Juliette. La création en juillet 1989, à l’Opéra de Montpellier et au Festival d’Avignon, est suivie d’une tournée. Pascal Dusapin relie dès lors sa passion littéraire à ses travaux opératiques. Ainsi naissent Medeamaterial d’après Heiner Müller, créé à La Monnaie de Bruxelles en 1991, To Be Sung d’après Gertrude Stein, aventure à laquelle il associe le plasticien James Turrell, créé en 1994 aux Amandiers à Nanterre, et Perelà – Uomo di fumo d’après Aldo Palazzeschi, créé en 2003 à l’Opéra Bastille. 

Il écrit le livret de ses deux opéras suivants : Faustus, The Last Night, créé en 2006 au Staatsoper de Berlin, et Passion, inspiré par le mythe d’Orphée, créé en 2008 au Festival d’Aix-en-Provence. Il s’attaque ensuite au livre référence de Heinrich von Kleist pour Penthesilea, créé en 2015 à La Monnaie, puis à l’Opéra du Rhin – opéra dont il tire la suite pour soprano et orchestre Wenn du dem Wind…, créée en 2014 au Suntory Hall de Tokyo et reprise en 2015 à la Philharmonie de Paris. 

Enfin, en septembre 2019, Macbeth Underworld voit le jour à la Monnaie avant sa création française à l’Opéra Comique : d’après le chef-d’œuvre de Shakespeare, sur un livret conçu avec Frédéric Boyer, il est mis en scène par Thomas Jolly.

Entrelacées avec l’écriture de ses opéras, de nombreuses pièces ont éclos, parmi lesquelles sept quatuors à cordes (le sixième avec orchestre), des partitions vocales comme La Melancholia, Granum Sinapis, Dona Eis, Disputatio, ainsi que Sept études pour piano, A Quia – concerto pour piano, sept solos pour orchestre : Go, Extenso, Apex, Clam, Exeo, Reverso (créé par les Berliner et Simon Rattle) et Uncut. Ce dernier cycle est composé de 1991 à 2009. Un nouveau cycle pour orchestre est en cours, inspiré par la nature : son premier opus, Morning in Long Island, est créé en 2010 par l’Orchestre Philharmonique de Radio-France

Parmi ses dernières créations figurent un concerto pour violon, Aufgang, commandé par le violoniste Renaud Capuçon, une pièce pour piano et six instruments, Jetzt genau ! et un concerto pour violoncelle, Outscape, écrit pour Alisa Weilerstein et créé en 2016 par le Chicago Symphony Orchestra. Le double concerto At Swim-Two-Birds, écrit pour la violoniste Viktoria Mullova et le violoncelliste Matthew Barley, est créé en 2017 par le Netherlands Radio Philharmonic Orchestra, suivi par l’Orchestra Sinfonica Nazionale RAI Torino, le Gewandhaus Leipzig, l’Orchestre national de France, le London Philharmonic Orchestra et le Seattle Symphony Orchestra. Le concerto pour orgue Waves, écrit en 2018, vient d’être créé (26 janvier 2020) à l’Elbphilharmonie de Hambourg, puis repris à Montréal, Paris, Bruxelles et Genève. 

Pascal Dusapin a reçu de nombreux prix, honneurs, récompenses : Commandeur des Arts et Lettres en 2003, prix Cino del Duca en 2005, Dan David Price en 2007, Académicien à la Bayerische Académie de Munich en 2007. En 2007, il est le deuxième compositeur après Pierre Boulez à occuper la Chaire Artistique du Collège de France : de ses conférences il tire le livre Une musique en train de se faire, édité au Seuil. En 2010-2011, il est « Guest Professor » à la Musikhochschule de Munich.

Ses œuvres sont publiées aux Éditions Salabert (Universal Music Publishing Classical).

Pascal Dusapin collabore avec les artistes les plus divers, dont Sasha Waltz, James Turell, Peter Mussbach, Laurence Equilbey, l’ensemble Accroche Note, les Berliner Philharmoniker, Sir Simon Rattle, le Quatuor Arditti... De nouveaux projets lui font intégrer l’électronique à grande échelle dans des lieux exceptionnels : le Grand Palais lors de la Monumenta Richard Serra, la plage de Deauville pour le 150ème anniversaire de la ville… En 2011, il met en scène son cycle pour piano et baryton O Mensch! aux Bouffes du Nord. En 2014, il imagine pour le Festival de Donaueschingen une installation visuelle et sonore, Mille Plateaux, qui voyage entre autres au Lieu Unique à Nantes en 2015. En juin dernier, il présente au festival ManiFeste Lullaby Experience, son premier travail en collaboration avec l’Ircam. Pendant l’été, il est l’invité du Festival de Salzbourg, qui lui dédie le cycle « Time with Dusapin ».

Artiste singulier, Pascal Dusapin continue son voyage sonore et formel sans dogme, offrant à travers des formes toujours diverses une musique furieusement émotive.

Irina Kaiserman, décembre 2019