L'œuvre
Une fable lyrique saluée par la critique
En 2012, Martin Crimp et George Benjamin présentent au Festival d’Aix-en-Provence l’opéra Written on Skin. Onze ans plus tard, à l’occasion du 75e anniversaire du festival, son directeur Pierre Audi propose aux deux hommes d’y présenter un nouvel opéra. Les deux hommes acceptent.
Picture a day like this, la quatrième collaboration du duo, naît d’abord dans l’imagination du dramaturge Martin Crimp pendant l’épidémie de COVID-19. Le librettiste, qui cherchait un nouveau sujet d’opéra, s’est intéressé à la recherche du bonheur et à la question du destin. Pour cela, il a lu plusieurs ouvrages : des écrits racontant la naissance du bouddhisme, des légendes du XIXe siècle mais aussi certains textes d’Italo Calvino. À la fin du confinement, suite à la pandémie de COVID-19, Martin Crimp et George Benjamin se sont retrouvés et, à l’occasion d’une promenade, le dramaturge a présenté au compositeur les détails de l’histoire qu’il imaginait. Ce dernier a immédiatement été séduit et a répondu positivement. Ensemble, ils ont ensuite réfléchi aux voix qu’ils imaginaient, à la question de la narration, de l’orchestration…
Picture a day like this est joué pour la première fois le 5 juillet 2023 au Festival d’Aix-en-Provence sous la baguette de George Benjamin, un compositeur de renom dont le travail a déjà donné lieu à plusieurs rétrospectives aux quatre coins du monde.
Le style de Martin Crimp et George Benjamin est immédiatement salué par le public. La presse internationale partage cet enthousiasme et salue « l’écriture ciselée » du compositeur (Le Figaro), « une histoire merveilleusement construite qui nous parle de deuil et de bonheur » (The Telegraph). L’opéra est également considéré comme un chef d’œuvre par le New York Times.
La scénographie
Les projections féériques d’Hicham Berrada
Une journée ordinaire. Un terrible événement. La mort de son nourrisson met une femme en quête d’un miracle : « Il vous suffira, avant la nuit, de trouver une personne authentiquement heureuse, et de prendre un bouton de sa manche ». Les rencontres se succèdent, aussi prometteuses que décevantes, jusqu’au seuil d’un jardin merveilleux…
Les vidéos projetées dans le jardin de Zabelle sont l’œuvre de l’artiste Hicham Berrada. Né en 1986, diplômé des Beaux-Arts de Paris et pensionnaire de la Villa Medicis en 2013-2014, cet artiste contemporain réalise des installations dans lesquelles il est souvent question d’accélération du temps.
Il crée des œuvres dans lesquelles différents éléments sont plongés dans des bains. Des réactions chimiques se créent et ont une incidence sur la vie des matériaux qui la composent. L’œuvre évolue donc en permanence et ne se ressemble pas, en fonction des jours où le spectateur la regarde. Il en ressort un monde féérique et fascinant, sorte de voyage sous-marin hypnotisant.
Le texte
La quête du bonheur et la narration théâtrale de Martin Crimp
La recherche du bonheur est un sujet qui traverse les époques. Sa poursuite, ou les moyens de l’atteindre, parcourt de nombreux écrits, des philosophes grecs aux auteurs de développement personnel d’aujourd’hui. Pour Pascal, « Tous les hommes cherchent d’être heureux. Cela est sans exception, quelques différents moyens qu’ils y emploient ». La quête de la jeune femme que l’on retrouve dans Picture a day like this s’inscrit donc dans une quête universelle, partagée par le public qui l’observe.
Le style de Martin Crimp s’affranchit des conventions de la narration théâtrale et traite des difficultés des femmes et des hommes d’aujourd’hui. Ses personnages sont confrontés à l’absence, à la violence, dans un monde fait de désillusions, où l’on pose la question des apparences heureuses. Les personnages rencontrés par la jeune femme de son histoire semblent avoir tout pour être heureux. Pourtant, lorsque l’on regarde de plus près, ils ne le sont pas. Le bonheur ne serait donc pas lié à des conditions matérielles ou professionnelles liées à la réussite, mais serait propre à chacun.
La rencontre avec Zabelle apparaît, dans un premier temps, comme une réponse à cette recherche. Le bonheur serait un état à construire, en acceptant la part de malheur que traverse tout un chacun. Le librettiste se rapproche du philosophe chinois Confucius, pour qui le bonheur ne se trouverait pas au sommet de la montagne mais dans la façon de la gravir, et donc dans la manière d’appréhender les difficultés.
« Imagine un jour comme celui-ci / La lumière du soleil cède la place à de longues traînées d’ombres comme vient le soir […] / Je suis heureuse seulement seulement seulement parce que je n’existe pas ».
Lorsqu'elle chante ces paroles, Zabelle bouleverse la vision du bonheur qui vient d’être proposée. On peut alors se demander si elle est un personnage heureux parce qu’elle est décédée, ou parce que c’est un personnage fictif. Le bonheur serait-il une recherche vaine ou bien un état non accessible de son vivant ? Martin Crimp laisse la question en suspens et offre à chaque spectateur la possibilité de se questionner à son sujet et de trouver dans l’œuvre une réponse personnelle à ce sujet.