5 choses à savoir sur Et in Arcadia ego

Publié le 19 janvier 2018
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L’Opéra Comique ouvre sa saison 2018 avec une nouvelle création, Et in Arcadia ego. Promesse d’une expérience poétique et sensorielle pour les spectateurs, cet opéra est aussi le symbole de l’ambition d’ouverture de la salle Favart aux artistes contemporains.
L’explication en 5 points.

1- L’union fait la force !

Le spectacle Et in Arcadia ego est une expérience, une création lyrique sur des musiques de Jean-Philippe Rameau, qui constitue une nouvelle entité, une autre œuvre, un autre tout. Une véritable collaboration qui mêle trois univers et trois artistes: Christophe Rousset, chef d’orchestre et claveciniste, Eric Reinhardt, romancier, et Phia Ménard, plasticienne, jongleuse, chorégraphe et bien plus encore.
À l’origine du projet, Olivier Mantei, directeur de l’Opéra Comique, cherche avec Christophe Rousset un ouvrage de Rameau à programmer pour la salle Favart.
Rapidement, ils tombent d’accord sur l’idée que les livrets de ces œuvres fabuleuses ne sont pas d’une grande valeur. Ils imaginent alors un spectacle chorégraphié qui repose sur les plus belles pièces orchestrales, vocales, chorales et chorégraphiques de Rameau. « Une façon de restituer une pertinence et un impact à des pages qui risquaient de rester à jamais dans l’oubli », selon Christophe Rousset.
Il est alors chargé de rassembler les extraits musicaux qui serviront de point de départ au travail de création. Phia Ménard entre rapidement dans la danse pour y apporter une intention scénique et dramaturgique, « un big bang baroque » comme elle aime à l’appeler, moderne et poétique.
Et pour la structure narrative, Eric Reinhardt prend le relai, réécrit une partie des textes et donne naissance à une formule délicate de création qui mêle l’ancien et le nouveau. « J’ai travaillé à l’oreille et au ressenti, appréciant chaque morceau pour lui-même », nous dévoile-t-il. Sur plus d’une centaine d’extraits sélectionnés au départ, 30 sont finalement retenus, dont la spectaculaire ouverture de Zaïs, la bouleversante déploration de Phèdre et du chœur dans Hippolyte et Aricie, l’envoutant Sommeil de Dardanus, les danses des Boréades, les chœurs enlevés de Castor et Pollux ou encore le fameux prélude des Incas des Indes galantes
Comme Eric Reinhardt le rappelle, dans cette production “le travail de chacun ne vaut vraiment que par le travail des autres”. Ensemble, l’équipe d’Et in Arcadia ego créée une forme nouvelle de spectacle lyrique. Une invitation à questionner les codes de l’opéra, le genre et la création. Une invitation sensitive et sensorielle à l’introspection. Une nouvelle jeunesse pour les somptueuses pages musicales de Jean-Philippe Rameau. 

2- Et in Arcadia ego, quésaco ? 

Si l’on déchiffre la formule latine Et in Arcadia ego signifie “même en Arcadie, j’existe”, c’est-à-dire que la Mort existe aussi au pays des délices, l’Arcadie; signification confirmée par le tableau du Guerchin au XVIIe siècle où la phrase est prononcée par une tête de mort à des bergers.  
Par la suite, deux tableaux de Nicolas Poussin vont quelque peu modifier sa traduction littérale, c’est une tombe qui s’exprime cette fois-ci, ou plutôt le défunt dans la tombe, “moi aussi j’ai vécu en Arcadie” donc souviens-toi que tu es mortel. 
La mise en scène de Phia Ménard et le livret d’Eric Reinhardt détiennent le même message, ils cherchent à faire vivre au spectateur une expérience sensorielle, comme si chacun vivait les dernières secondes de sa mort en repassant par les épisodes importants de sa vie.
La scénographie est en trois tableaux correspondant à l’enfance, à la maturité et à la vieillesse et la mort d’un seul personnage, Marguerite. La mezzo-soprano Lea Desandre incarne Marguerite à 95 ans mais avec le corps éternel d’une jeune femme, représentant son être intérieur, invisible et invincible.
C’est l’esprit de la vieille dame qui est donné à voir dans la soliste. Phia Ménard utilise sa jeunesse comme moteur de la pièce. Un être auquel chacun peut s’identifier puisque chacun se projette et se voit comme toujours jeune, comme un aveu de désir d’immortalité.

3- Les débuts de Rameau à l’Opéra Comique

Jean-Philippe Rameau, avant d’être le grand compositeur de la Cour et le génie des Lumières, a d’abord fait ses débuts à l’Opéra Comique dans les années 1720. Ce n’était pas encore dans la salle Favart dont Louis XVI établira la construction plus tard, mais dans les deux grandes foires parisiennes, Saint-Germain et Saint-Laurent qui abritaient des théâtres. 
Rameau y fit ses débuts dans un contexte de liberté musicale loin des institutions officielles pour un public plus populaire. Il composa pour Alexis Piron, auteur dramatique, des airs originaux, des choeurs, des ouvertures et des danses mais également l’arrangement des vaudevilles (reprises d’airs anciens et populaires avec des paroles nouvelles).
Il prendra ensuite son envol pour l’Opéra de Paris (alors Académie royale de musique) mais reviendra rapidement à l’Opéra Comique en 1743 cette fois-ci pour s’y parodier lui-même. Il y reprend son triomphe des Indes galantes pour le transformer en Ballet des Dindons, et s’éloigner de son image austère de théoricien de l’harmonie. 
L’Opéra Comique - et dès sa naissance dans les foires - a toujours été d’avant-garde, le lieu d’ouverture sur de nouvelles formes d’écriture musicales, quitte à faire face à des scandales pour faire bouger les lignes. Jean-Philippe Rameau n’a jamais oublié les premiers pas de sa carrière où il a pu développer et exprimer son art en toute liberté. De la même manière que Rameau adaptant constamment ses oeuvres, avec Et in Arcadia ego Christophe Rousset rassemble le meilleur de Rameau pour en faire une création grandiose, ralliée à l’esprit du XVIIIe siècle.   


4- Le pouvoir des éléments

Et in Arcadia ego ne peut se concevoir sans la présence des éléments phares que Phia Ménard utilise dans ses spectacles : la glace, la lumière, le vent et l’eau. Pour faire vivre ce passage inéluctable de la mort au personnage de Marguerite mais aussi aux spectateurs, Phia Ménard choisit les sensations.
La glace qui fond traduit le délitement de la vie, la transformation et la froideur du corps, tandis que le vent suggère la menace et la violence du passage dans l’au-delà.
Mais les éléments sont là aussi pour questionner ce passage, que le spectateur soit croyant ou non, chacun se pose la question de l’après: existe-t-il? qui y-a-t-il ? Quelles sont les sensations traversées pendant ce moment ?
Des question naturelles auxquelles Rameau pensait déjà dans sa musique, son inspiration étant le questionnement du rapport de l’homme à la Nature et de l’importance des éléments. De la même manière Phia Ménard ne cherche pas seulement à produire une beauté scénique visuelle mais à traduire dans le corps de chaque spectateur du sensible, des frissons, de l’éblouissement. 
Et in Arcadia ego garantit une sensation physique et visuelle !

 

5- Un big bang baroque

« Du big bang des éléments, que Rameau a si bien dépeint dans l’ouverture de Zaïs, je suis passée à un autre big bang, intérieur celui-là : incarner une vie dont la date de la mort est connue ! » C’est ainsi que Phia Ménard décrit sa vision de cette œuvre nouvelle. 
Outre une donnée scientifique de l’évolution de l’univers, le Big bang devient artistique dans l’histoire d’Et in Arcadia ego : une projection intérieure, la traduction du lien entre création et destruction. Il ne pouvait y avoir meilleur choix que le baroque pour traduire ce rapport de l’homme à la Nature, et l’interrogation sur l’humain, car presque toutes les musiques de Rameau explorent cette thématique.
Christophe Rousset précise  que « Rameau avait une imagination d’une vigueur incroyable et tenait par-dessus tout à exprimer puissamment les émotions. », ce qui musicalement donnait lieu à une écriture très sophistiquée pour l’époque.
La mise en scène quant à elle, explore la solitude de l’humain dans le cosmos et la solitude de chacun face à sa mort. "Le big bang baroque évoque la création d’un univers, un rapport singulier au cosmos, qui se regarde avec peur et désir, et la nécessité de tenir compte à la fois de l’infiniment grand et de l’infiniment petit” explique Phia Ménard. 
C’est dans un état de révolte contre la mort imminente que Phia Ménard nous propose de vivre le spectacle Et in Arcadia ego. Ce qui n’en exclut pas la contemplation de la beauté de la vie.

Et in Arcadia ego

1 au 11 février 2018

Sur des musiques de Jean-Philippe Rameau

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