1) Une histoire tirée de faits réèls
Les pièces sur le monde du théâtre sont fréquentes au siècle romantique. Avec pour point de départ le centenaire de la mort de Molière et une apologie de l'auteur jouée à Versailles, c’est l'émergence d’un genre très particulier qui fera la part belle aux auteurs, compositeurs et acteurs vedettes. Le couple Favart ne fait pas exception à la règle. Au total, sept pièces inspirées de l’histoire des Favart et de Maurice de Saxe verront le jour.
Dans la réalité, on trouve un couple à l’histoire ancrée dans le patrimoine national. Marie-Justine-Benoîte Duronceray débute sa carrière à l’Opéra Comique de la Foire Saint-Germain sous le nom de Madame Chantilly. Elle y rencontre le dramaturge Charles Simon Favart et l’épouse ! S’en suit, une carrière riche en innovations et en créations, elle en artiste et compositrice accomplie, lui comme auteur et directeur de la Comédie italienne. Tous deux vivent de leur amour avec pourtant une ombre au tableau, celle de Maurice de Saxe !
« Maurice de Saxe, dans l’ivresse de sa passion, était capable de faire souffrir une femme et de la perdre, mais une fois dégrisé, il honorait sa victime » Taillandier.
2) Maurice de Saxe, maréchal sexy
Ombre planante sur le couple Favart, le maréchal Maurice de Saxe a inspiré plus d’une histoire. On le retrouve notamment en amoureux transit d’Adrienne Lecouvreur (qui fut aimé par Voltaire) dans une comédie d’Armand Charlemagne puis dans quatre autres comédies. Il est intéressant de remarquer que son personnage est absent de Madame Favart, remplacé par celui du marquis de Pontsablé.
Héros français et vainqueur de la bataille de Fontenoy, il est considéré comme le plus bel homme de son temps. Centre névralgique de l’« affaire Favart » et pilier fantôme de l’intrigue de Madame Favart, il fut accompagné par Justine Favart plusieurs années avant de mourir dans des circonstances non élucidées ce qui libérera le couple Favart de ses malices et persécutions. Au vu des récits disponibles aujourd’hui, il est possible que l’« affaire Favart » soit le résultat d’un complot de la part des ennemis du maréchal de Saxe (qui compte le prince de Conti) ou bien que Justine ait subi les assauts du parti dévot du fait de sa vie de comédienne (elle était excommuniée car trop libertine).
«Qu’on parle bien ou mal du fameux maréchal. Ma prose ni mes vers n’en diront jamais rien.
Il m’a fait trop de bien pour en dire du mal ;
Il m’a fait trop de mal pour en dire du bien. »
Charles Simon Favart
3) Justine Favart, l'innovation au service du jeu
Justine Favart, danseuse, compositrice et artiste talentueuse est à l’origine d’une révolution théâtrale. Elle est la première à oser se travestir sur scène en apportant une dose de réalisme à ses personnages. À l’aide de Charles Simon Favart, son complice et collaborateur, elle concilie un désir de faire rire et de faire vrai. À cette periode, l'usage veut pour les acteurs qu'ils se parent de leur plus beaux atours et ce même dans l'interprétation d'un pauvre hère.
Talentueuse dans l’interprétation, elle s’approprie les accents et les mimiques des rôles auxquels elle est confrontée. Preuve de son talent, elle fut arrêtée aux portes de Paris pour avoir importé des robes de Perse (des étoffes prohibées à l’époque). Elle eut alors l’idée de se faire passer pour une allemande, étrangère aux lois françaises, et réussit à convaincre le premier commis, pourtant familier et ayant passé plusieurs années en Allemagne de la laisser passer !
«Une créatrice polyvalente, engagée sur tous les fronts»
Raphaëlle Legrand, musicologue et professeure à Sorbonne-Université.
4) Offenbach le phoenix
Avec Madame Favart, le compositeur français Jacques Offenbach fait un retour marquant sur le devant de la scène. Faisant partie des dernières œuvres de l’auteur, Madame Favart marque une véritable renaissance pour Offenbach, alors en pleine disgrâce du public français. Avec la victoire de la Prusse face à la France, le compositeur né à Cologne et naturalisé français, se retrouve confronté à un mouvement anti-allemand. Essuyant les échecs ( Fantasio en 1872, la faillite de la Gaîté dont il était le directeur en 1875) il part ruiné en tournée à New-York où il est reçu en fanfare par une foule et un «orchestre de soixante musiciens» reprenant ses compositions.
Une courte période de gloire qui prend fin à son retour en France. Souffrant de la goutte, il reçoit enfin une commande du théâtre des Folies Dramatiques qui le tire d’affaire. Il travaille alors à retrouver l’esprit bouffe et gaie de l’Opéra Comique qui ne fait alors plus que «des petits grands opéras». Il revisite son œuvre tout entière et livre un hommage au théâtre chanté de la Foire. C’est le succès presque un an après son écriture (la pièce est mise à l’étude en décembre 1877 et jouée le 26 décembre 1878), Madame Favart sera joué plus de 200 fois d’affilée !
5) Offenbach face à la justice
Passionné par le genre opéra-comique, le théatre de Foire et le vaudevilles, Offenbach incorpore ça et là des airs connus et populaires dans ses compositions. Il était en effet très courant à l’époque de faire du recyclage musical d’airs populaires et Offenbach n'échappe pas à cette mode. Directeur musical de la Comédie française en 1847, il commença sa carrière en jouant pour l’orchestre de l’Opéra Comique. Quelques années plus tard, en 1852, il se retrouve en contentieux avec la SACEM et...Adolphe Adam, le compositeur du Postillon de Lonjumeau (entre autre). Il a en effet refusé de verser les droits d’utilisation de «chansonnettes comiques” au compositeur ce qui le conduira en justice. L’affaire sera réglée au tribunal par une amende de 50 francs dont “25 francs de dommages et intérêts” soit l’équivalent de 163,50€ aujourd’hui.