Ce matin du 7 juillet, c’est un groupe assez original qui se forme petit à petit dans l’entrée de la médiathèque de Limay. En prêtant l’oreille, après de timides bonjours, on peut entendre parler afghan, arabe, anglais, français… Adulte, adolescent ou enfant, chacun se demande ce qui lui sera proposé dans cette grande salle lumineuse et tranquille.
Sur la table, de grandes feuilles blanches attendent les participants, que viennent égayer de taches de couleur une multitude de crayons et de feutres. Et, peu à peu, la salle s’anime. Chacun commence par un dessin libre, choisit son thème, prend confiance. Sur un fond de jazz, les crayons glissent sur le papier, les feutres frappent en retombant un rythme familier. Pour guider les tentatives suivantes, quelques photos de l’opéra-comique rappellent le fond du projet et permettent de commencer à appréhender l’architecture.
« Au loin, ma ville ». C’est le thème sur lequel les participants vont travailler pendant cinq jours afin de le traduire en musique et en images, d’évoquer la ville de leurs origines, de leurs racines, ainsi que la cité qu’ils imaginent pour l’avenir.
Un vocabulaire urbain, donc, mais où le végétal trouve sa place.
Cette exploration graphique trouve dans les ateliers de l’après-midi un écho sonore. Là encore, on part de la ville. Dans les rues de Limay, le micro à la main, chacun porte une attention nouvelle aux bruits de la ville : les voitures grondent, un chien aboie sa rage non loin d’une cour d’école où les enfants fêtent en riant l’arrivée des vacances ; à la gare, le train qui s’éloigne prend des allures de navette spatiale, bien loin des calmes clapotis que fait la Seine sous le vieux pont mutilé.
À l’école d’arts plastiques, sur la toile ou le papier, se dessinent des caractères : l’un s’affirme avec des couleurs vives, l’autre se penche avec patience sur de fines lignes entrelacées, là une architecture se devine, ici des silhouettes viennent animer la feuille. De la même manière, au Conservatoire, chacun trouve l’instrument qui lui permet de se faire entendre : les envolées du piano, le rythme puissant de la batterie, les notes boisées du marimba, la légèreté cristalline du triangle, la résonnance profonde des timbales…
Chacun avance à son rythme. Les enfants ajoutent par leur participation une note de fantaisie, le réalisme le dispute au rêve…
Étincelant de paillettes de lumière, le cadre de scène de l’Opéra-Comique devient cadre en relief où viendront s’inscrire ces représentations urbaines. Certains dessinent, d’autres collent, d’autres ajoutent de la couleur.
« Il faut que ce soit beau puisque cela va être exposé à Paris ! » s’émerveille Julia du haut de ses sept ans.
Au fil des jours, les œuvres prennent forme, des fragments de ville apparaissent. Dans la salle, on a fait connaissance, on se débrouille pour se comprendre même sans parler la même langue, on fait des gestes, on rit, on s’improvise interprète… Avec Yoann Hadjaz, qui mène les ateliers de musique, on apprend à s’observer et à s’écouter pour trouver le rythme qui permettra de jouer, tous ensemble, les notes qui s’harmoniseront.
En cinq jours, vingt-quatre Limayens sont venus explorer, au crayon et au micro, le thème de la ville, espace où s’affirment les personnalités. Il s’agit du sujet central du spectacle qui sera monté par la metteuse en scène Héloïse Sérazin en mai 2024 à Limay et à l’Opéra-Comique. Les habitants de la ville de Limay seront invités à participer à la création artistique et technique de cette réécriture de l’opéra Louise, de Gustave Charpentier.
D’ici là, leur travail sera mis en valeur lors d’une exposition dans la ville, mais ils partagent dès maintenant une complicité nouvelle et la fierté d’avoir créé, ensemble, des œuvres qui se répondent.