Son nom est Bruno Bayeux, et il est seul comédien (et non chanteur) de la production Fantasio qui se prépare depuis quelques semaines au Théâtre du Châtelet. Il travaille avec Thomas Jolly depuis 2009, où il le rencontre pour la création d’Henri VI. Il suit alors la transformation de ce workshop effectué à Rouen sur deux œuvres de Shakespeare en la saga que nous connaissons tous désormais. Il enchaîne ensuite avec Richard III à l’Odéon et le suit aussi jusqu’à Avignon pour faire les chroniques du Festival. Aujourd’hui, c’est aux côtés de Marianne Crebassa, Marie-Ève Munger et les autres chanteurs de l’Opéra Comique qu’ils continuent leur collaboration.
Ce n’est cependant pas sa première incursion à l’opéra : au début de sa carrière, il travaille sur la trilogie Beaumarchais, puis pendant ses études au Conservatoire, il fait quelques rôles de figuration à l’opéra de Rouen, notamment dans Madame Butterfly de Puccini et Le Bal Masqué de Verdi.
Ce Mercredi 8 Février, nous le retrouvons dans une des loges préparées dans es coulisses du Châtelet pour lui poser quelques questions sur son travail dans Fantasio.
Fantasept : Dès le début de l’aventure Fantasio, Thomas Jolly évoquait comme enjeu principal les différences entre le parlé et le chanté. Dans les faits, sur le plateau, comment ressens-tu cette différence ?
Bruno Bayeux : Nous racontons tous la même histoire, c’est certain ; il y a juste des moments où c’est parlé et d’autres où, eux, les personnages sortent d’eux-mêmes, et se mettent tout d’un coup à chanter.
À ces moments-là, en tant que comédien, j’essaye justement d’en jouer: il est question de s’inventer des situations qui puissent faire rire; par exemple, ceux qui chantent trop près de moi, et à qui je demande de chanter moins fort. Il faut aussi que je joue le jeu, que je fasse un peu de playback dans les scènes avec le chœur, par exemple, où il y a beaucoup de monde sur le plateau, pour ne pas être le seul à ne pas chanter. C’est comme une nouvelle sorte de contrainte pour moi. Dans tous les cas, j’essaie toujours d’utiliser ces situations comme des outils de jeu.
Fantasept : Lors des Vendredis de Jacques, Thomas Jolly avait pour objectif d’amener les chanteurs de la production à travailler sur leur corporalité et leur posture scénique. En tant que comédien, tu as pu être une aide essentielle pour eux. Peux-tu revenir sur cette expérience et nous dire comment ton expérience théâtrale t’a permis de leur apporter quelque chose ?
B.B. : Je crois véritablement au regard que les uns posent sur les autres. Quand on voit un acteur jouer d’une certaine manière à côté de soi, cela va forcément nous évoquer des choses, nous amener ailleurs. Cela éveille des choses en nous et nous permet de nous déplacer de notre zone de confort.
Lors des Vendredis de Jacques, j’avais pu rencontrer quelques chanteurs et Marie-Eve [Munger] m’avait par exemple confié ses craintes de jouer. Maintenant que je la vois sur scène, je la trouve resplendissante et elle se débrouille très bien.
Fantasept : Tu es le seul comédien mais tu es également le seul à jouer autant de rôles sur scène. La plupart de ces personnages obéissent au registre comique. Comment fais-tu pour apporter une nuance à chacun de ces êtres de papiers, comment les individualises-tu ?
B.B. : Le comique est clairement ce que j’aime faire. Avec Thomas, nous avons un peu le même humour – ce qui facilite les choses. Nous sommes partis, par exemple, de mon personnage dans Henri VI pour créer certains traits de caractère de Rutten [la suivante de la princesse Elsbeth].
Les costumes m’aident également beaucoup à construire mon personnage, j’ai juste à me laisse aller. Je prends souvent une petite chose, un geste, une impro’, une réaction spontanée etc... Et ce petit rien, qui peut paraître insignifiant au premier abord, devient moteur pour un développement. C’est ainsi que j’ai construit ces personnages secondaires.
Fantasept : Nous sommes à quelques jours de la première et la plupart des chanteurs économisent désormais leurs voix en « marquant ». Tu as choisi de ton côté de garder ta voix « pleine », comment ressens-tu cette différence de volume ?
B.B. : Lorsque les chanteurs jouent des scènes parlées, ils sont généralement à fond et le volume ne baisse pas. En ce qui concerne les parties chantées, je comprends qu’il y a une tension inévitable entre le metteur en scène qui a besoin de voir son spectacle, de l’entendre et les interprètes qui doivent garder leurs ressources vocales pour pouvoir enchainer les représentations.
Il faut néanmoins essayer de donner à Thomas Jolly assez d’éléments vocaux pour qu’il puisse les façonner. Nous sommes un peu la pâte à modeler avec laquelle il doit créer les personnages et raconter une histoire. Si nous ne sommes pas à fond, je comprends que cela puisse le gêner.
A la première, lorsque les chanteurs seront dans leur pleine capacité vocale, cela va changer mon rapport à l’écoute. Les jeux de réaction que j’ai construits vont alors se multiplier.
Fantasept : Selon toi, quels aspects du théâtre sont nécessaires à la scène de l’opéra et inversement ? Qu’est-ce que l’un apporte à l’autre ?
B.B. : Le jeu-cinéma est un peu à la mode au théâtre. A l’opéra, ce n’est pas possible : on ne peut pas être intimiste. Il ne faut pas avoir peur de l’outrance, il faut parfois surjouer. L’opéra se joue dans des grands lieux et il faut que l’émotion passe les 2000 places et atteignent tous les spectateurs.
Maria pour les Fantasept
Entretien avec Bruno Bayeux, comédien dans Fantasio
Chronique d'un opéra
Mercredi 8 février
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