« Pour commencer il faut en rire … » (Elsbeth Acte I)
Le rire est présent par essence dans l’œuvre d’Offenbach, un opéra-comique ponctué de rebondissements burlesques et de retournements de situation. S’il y a un roi à célébrer dans cet ouvrage c’est peut-être bien lui, « Vive le Rire, vive le Rire ». Attendons vos propres éclats avant de vous dévoiler ces différents épisodes, aujourd’hui nous parlerons du rire comme mode de vie. Si Fantasio est une pièce dont l’intrigue repose grandement sur le comique du travestissement, il semblerait qu’en dehors du plateau, en coulisse et dans les studios du théâtre du Châtelet, ce carnaval ait déjà eu lieu. Marianne Crebassa n’a pas encore endossé les costumes de fous et de bourgeois et Marie-Eve Munger celui de princesse que déjà sur les visages un masque s’est installé. Zygomatiques prononcés, teint rougissant, yeux plissés et larmoyants, jusque dans la respiration le rire prend possession de toute l'équipe artistique. Il ne s’agit pas seulement d’une bonne humeur collective. L’euphorie est une condition nécessaire et naturelle au bon déroulement de la répétition. Elle permet aux différents acteurs de repousser leurs limites en fournissant des idées neuves. Un Fantasio devenu Piaf pour un instant entonne mot « amour », un garde suisse (Bruno Bayeux) reprend étrangement « l’accent de Rolland Giraud dans Papy fait de la résistance » dans son rôle de geôlier ; le rire transcende l’interprétation, le chant et le jeu, il donne une énergie nouvelle à Elsbeth prise entre « colère tristesse et humiliation ». Et pourquoi ne pas endormir le garde du cachot en lui chantant la berceuse des « crocodiles disparus sur les bords du Nil » ? Si le rire donne des idées folles il ne laisse aucune place à l’absurde, cette comptine pour enfant étant elle-même tirée de Tromb-al-ca-zar ou les Criminels dramatiques d’Offenbach.
« ...de pleurer il est toujours temps »
Ainsi finit le refrain d'Elsbeth, et peut-être est-ce la note qui reste en suspens après la répétition. C'est ici, à la sortie, devant l'entrée des artistes du Châtelet, que le masque de joie se fissure pour laisser place à une autre réalité : l'angoisse des artistes devant le temps qui presse. Comme si le travail ne s'arrêtait pas une fois les portes du théâtre passées, mais que chaque interprète, se retrouvant hors de l'atmosphère de groupe, faisait véritablement face à tout ce qu''il reste à accomplir jusqu'au 12 janvier. On ne s'attarde pas : le froid dissuade la larme de crocodile. « Sur le bord du Nil...ils sont partis n'en parlons plus ». Jusqu'à demain !
Charles et Noémie pour les Fantasept
Chronique d'un Opéra
Jeudi 19 janvier 2017
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