[La chronique des Fantasept] Quête d'un moi musical dans Fantasio - Entretien avec Laurent Campellone

Publié le 10 février 2017
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J-3 avant la grande première de Fantasio. En guise de conclusion à notre infiltration de la genèse du spectacle auquel vous assisterez, nous avons décidé de donner la parole à celui qui vous tournera le dos, non par timidité ou par provocation, mais par nécessité : le chef d’orchestre, Laurent Campellone. Bien loin de la fosse il nous reçoit dans sa loge depuis laquelle il contemple les bords de Seine. « Cette vue est quand même extraordinaire, d’ici toute la rive gauche se révèle, de l’Institut du Monde Arabe à la Tour Eiffel en passant par la Conciergerie, c’est toute l’histoire de Paris. » La Seine serait-elle au maestro ce que la Lune est à Fantasio ?

De sa baguette il mène chanteurs et musiciens. Qui sinon lui peut approcher au plus près le fantôme de cette pièce, Offenbach ?  « Fantasio est une œuvre qui marque le début d’une nouvelle période pour Offenbach cherchant désormais à gagner ses lettres de noblesses de grand musicien entre les deux papes de l’opéra de l’époque, Verdi et Wagner»  commence le chef non sans compassion. Selon le maestro, Fantasio rend compte dans le livret et dans la partition d’un état de mélancolie représentatif des « grands génies du rire. » « Avec La Duchesse de Gérolstein ou encore La vie parisienne, Offenbach a excellé dans l’exercice le plus difficile en art et notamment en musique : susciter le rire. A l’image d’un maître du comique comme Feydeau au théâtre, Offenbach entretient un fantasme de gravité sans tomber dans le funeste. Il approche avec Fantasio d’un juste milieu qu’au théâtre on appelle drame. »

Une telle nuance doit être perceptible tant  sur scène que dans la fosse. Les figures de chef d’orchestre et de metteur en scène de théâtre se retrouvent pour maintenir cette tension dramatique et musicale en exigeant des interprètes un respect des textes. « La réplique et la portée sont deux textes. C’est écrit LA SI DO sur la partition, il ne viendrait pas à l’idée du flûtiste de jouer MI FA SOL. Et bien pour l’acteur c’est pareil » nous confiait Thomas Jolly à l’entracte de la pré-générale. Laurent Campellone dirige les musiciens de l’orchestre philharmonique de Radio France dans le même respect de la partition qui n’est jamais une phrase, une mélodie ou un accord, mais un ensemble d’ « enjeux qui font l’identité de l’œuvre ». L’ouverture de cet opéra-comique en témoigne. Traditionnellement présentation structurée  des grands thèmes de l’œuvre, l’ouverture de Fantasio témoigne à la fois du «brio d’un savoir-faire et d’une volonté de faire autrement. » Le compositeur joue des structures attendues pour se jouer de l’audience générant l’émerveillement par la frustration. Le spectateur prend place dans « un laboratoire musical et dramatique. » Dans la voix du chef d’orchestre c’est le jeune professeur de philosophie que l’on retrouve.

Laurent Campellone pour mieux nous expliquer les enjeux émotionnels de la composition d’Offenbach fait référence à un extrait de la correspondance de Freud où ce dernier mentionne la jubilation croissante de l’enfant lorsque la mère dévoile son visage après se l’être masqué. « En musique l’émerveillement que provoque la réapparition d’un air après sa dissolution relève certainement de quelque chose d’aussi archaïque que la jubilation enfantine qui fait suite à la peur d’abandon. » Fantasio dans son recours à la disparition et à la réminiscence musicale, Fantasio ne pourrait-il pas être un opéra qui met en scène la musique ? L’auditeur pris au piège du dévoilement pudique et farceur de certains airs dans l’ouverture se retrouve dans la même position qu’Elsbeth au cours des actes, en quête de l’identité de celui qui parle à son cœur. « E : Quel est ce personnage et comment le savoir ? F : Elsbeth ! E : Elsbeth ! » Voilà un étonnant retour à soi que la musique propose en remède à la mélancolie !

« Je suis convaincu que la musique embrasse tous nos sentiments, tous nos états d’esprit, joie, tristesse, ennuie … Dans Fantasio elle occupe cette place idéale entre réalité et rêverie. »

Charles et Noémie pour les Fantasept

Chronique d'un Opéra - Entretien avec Laurent Campellone
Jeudi 9 février 2017
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Fantasio

Jacques Offenbach

12 au 27 février 2017

Dans la lignée des Contes d’Hoffmann, la partition d’Offenbach, sur une histoire de Musset, avait en partie disparu dans l’incendie de l’Opéra Comique. Avec une mise en scène signée Thomas Jolly, le spectacle renaît de ses cendres.

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