Quelques jours seulement après une répétition générale avec piano, l’équipe de Fantasio rencontre les musiciens issus de l’orchestre philharmonique de Radio France. Qu’est ce qu’on appelle une répétition « à l’italienne » ou tout simplement une « Italienne »? Costumes, décors et textes maitrisés par les interprètes on peut se demander quel est l’intérêt d’un retour au format concert, frontal sans trop d’effet de mise en scène si ce n’est les automatismes que chacun a acquis au cours du dernier mois. Si l’appropriation totale de la scène n’est plus qu’une question d’infimes détails pour les solistes et les choristes, un nouvel espace s’ouvre à eux, un dernier engrenage caché de la machine opératique : la fosse et ses habitants.
C’est une véritable petite ville qui s’installe sous la Munich de Fantasio. Chaque pupitre a son rôle dans la mise scène, trombones, cors, cordes, hautbois, flûtes et clarinettes sans oublier le pupitre de percutions, tous participent à l’action à laquelle ironiquement ils tournent dos. Leur seul contact avec la surface, c’est le chef Laurent Campellone qui nous avoue, serviette éponge à la main entrer dans ses « heures les plus physiques. » Dès que nécessaire le maestro se tourne vers sa complice Claire Levacher pour avoir une idée des nuances et des tempos à appliquer dans cette salle du Châtelet. Ainsi accompagné les textes chantés et parlés sont-ils audibles pour le public ? Marianne Crebassa trouve-t-elle sur scène le départ que lui donne en fosse la flûte dans le pianissimo indiqué sur la partition et que Martin Surot, quelques jours auparavant, marquait des touches les plus sonores de son piano dans un souci de mise en place ? C’est à autant de question d’acoustique que répond une Italienne.
Si pour les chanteurs cette répétition qui privilégie l’avant-scène est nécessaire pour retrouver un équilibre vocal, elle l’est aussi pour Thomas Jolly qui passe librement de la scène à la salle au file des notes qu’il a fantasmées dans sa création et qui soudain prennent vie. « Emu comme à la première écoute de l’œuvre », état nécessaire selon lui pour mener Fantasio jusqu’en 2019. Quand on lui demande s’il a une préférence pour un air, il finit par faire la liste dans le désordre des différents duos sans se décider. Puis tout d’un coup, au cours du finale de l’Acte II : « Ecoute, écoute, là ! Mes deux notes préférées de toute l’œuvre !! » Je ne vous dévoilerai ni la mesure ni l’accord de cet instant magique né d’une symbiose entre solistes, choristes et instrumentistes.
Ces derniers, les musiciens de l’orchestre philharmonique de Radio France, ne peuvent qu’imaginer six pieds sous scène, le bonheur de redécouverte que leur partition enfin jouée suscite chez chacun des artistes. Belle inconscience où l’on retrouve sur le pupitre de certains un volume du Duel d’Anton Tchekhov ou encore une étude sur le « lâcher-prise. » Ne pas y voir un manque d’attention mais au contraire le refuge silencieux et respectueux du décompte de mesures avant de remettre la main à l’archet ou à la coulisse. 22h30 une soirée d’orchestre comme Berlioz les racontait prend : « Les musiciens partent d’un éclat de rire tel, que le chef d’orchestre, qui les écoutait, est forcé de s’en apercevoir et de les regarder d’un œil courroucé. Son autre œil sourit. » Le rire, c’est encore lui qui unie scène, fosse et salle.
Charles pour les Fantasept
Chronique d'un Opéra
Lundi 6 février 2017
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