La Fille de Madame Angot, opéra-comique en trois actes, est une effervescente fresque sociale qui met à l’honneur une jeunesse combative et avide de changements. Créé aux Fantaisies-Parisiennes (Bruxelles) en décembre 1872, ce spectacle est actuellement à l’affiche et inaugure ainsi la saison 23/24 de l’Opéra-Comique.
Cet opéra-comique met sur la scène des personnages fictifs et des figures historiques emblématiques. Les costumes et les accessoires sont des éléments essentiels pour représenter tous ces personnages, à l'instar des perruques.
Elles contribuent à la caractérisation des personnages de cet opéra-comique ainsi qu’à la création de l'atmosphère de l'époque de l'histoire. Explorons le processus de fabrication d’une perruque au sein des Ateliers Costumes et Perruques de l’Opéra-Comique. Vous y découvrirez notamment quels sont les différents matériaux, techniques et étapes nécessaires pour créer des perruques qui apportent du réalisme et du dynamisme sur la scène.
Conception et préparation
Avant même de commencer leur fabrication, une étape cruciale consiste à conceptualiser les perruques en fonction des personnages et du contexte historique et social du spectacle. Ce sont les croquis qui nous donnent un premier aperçu des perruques et de comment elles sont imaginées pour chaque personnage.
Le début de la fabrication
La fabrication des perruques est un processus long et minutieux, surtout si l’on souhaite apporter du réalisme sur scène. Ce processus démarre par la prise des mesures de la tête de l’artiste : pour ce faire, on enveloppe sa tête avec du papier cellophane (eh oui, le papier plastifié utilisé en cuisine que l’on connaît tous !). Cela nous donne une empreinte sur laquelle les perruquiers feront des tracés pour indiquer l’implantation frontale, temporale et de la nuque de l’artiste. Chacun a un format de tête différent, c’est pourquoi aux Ateliers Costumes et Perruques de l’Opéra-Comique les perruques sont du sur-mesure !
Par la suite, on vient coller du scotch sur ces tracés pour que le papier cellophane devienne rigide : on obtient ainsi un galbe qu’on vient poser sur une tête en bois. Les espaces creux qui peuvent encore exister dans ce galbe sont remplis avec du coton ou des kleenex afin que l’on retrouve le format de la tête de l’artiste. La pose du galbe et son remplissage peuvent durer une demi-journée.
Une fois que ce travail est fait, on prend un type de tulle très spécifique aux perruques dont le matériau coûte très cher : en effet, c’est grâce à ce matériau que l’on donne de la résistance et du « corps » aux perruques. Deux couches de tulle sont posées sur la tête de l'artiste, jusqu'à son front, la deuxième couche étant plus fine que la première pour permettre de créer un effet plus naturel. Quasiment transparente, cette deuxième couche de tulle épouse parfaitement la forme du crâne.
La couture et l’implantation des cheveux
C’est à l’aide de petits crochets que l’on vient implanter les cheveux sur une perruque. Sur le front, ce travail est plus minutieux car il est fait cheveu par cheveu. On essaye de créer une ligne de front irrégulière et asymétrique car c’est cela qui donne un aspect réel à la perruque. L’implantation des cheveux sur une perruque entière correspond à 11 jours de travail à 7 ou 8 heures par jour !
Trois matériaux principaux peuvent être utilisés dans ce processus de fabrication : les cheveux humains, le crin de cheval ou encore… les poils de yack. Oui, vous avez bien lu ! En effet, les poils de yack sont une matière noble et donnent beaucoup de volume car ils sont drus et facilitent le coiffage. Les poils de lapin sont également utilisés pour les finitions : tout fins, ils donnent du naturel à la perruque.
Pour le spectacle La Fille de Madame Angot, nous retrouvons environ 28 perruques de cheveux naturels : elles sont portées par les solistes et par le chœur. Mais comment faire pour les personnes ayant de longs cheveux ?
La réponse : tout est dans la technique ! Pour ce faire, nos équipes utilisent des bas de collants coupés et ensuite ajustés sur la tête de l’artiste. Ses cheveux sont étalés en-dessous pour qu’ils soient bien plats, et le tout est fixé avec des épingles. Pour les spectacles où l’on retrouve des perruques très lourdes, on effectue des tortillons avec des mèches de cheveux enroulés pour faciliter la pose.
Teinture et coiffage
La coloration d’une perruque peut être faite avant ou après sa création. Tout dépendra de sa complexité. Très souvent, on mélange lors de la conception de la perruque plusieurs teintes de cheveux, ce qui donne un aspect naturel : de petites mèches çà et là avec des variations de teintes donnent de la vie et de la profondeur à la perruque.
A l’Opéra-Comique, les perruques sont portées par les artistes à partir de la répétition que l’on appelle « générale piano ». Elles sont recoiffées et nettoyées par nos équipes après chaque utilisation, et on fait très attention aux tulles, qui sont très fragiles. Ce travail de remise en état avant chaque spectacle est indispensable car les cheveux sont très mobiles et les équipes artistiques cherchent à ce que la perruque reste fidèle au look imaginé au départ pour chaque personnage. Plus qu’une question d’esthétique, on garantit aussi le confort de nos artistes !
Une fois qu’un spectacle est terminé, les perruques sont systématiquement gardées et stockées dans des cartons au sein de nos ateliers car elles peuvent être réutilisées lorsque la production part en tournée. Les cheveux naturels peuvent se conserver ad vitam : voilà le grand avantage ! Environ 700 perruques sont actuellement stockées dans les ateliers de l’Opéra-Comique.
Si le spectacle est considéré comme déclassé, et donc plus joué, alors on récupère les perruques et on les met à disposition pour être retravaillées et réutilisées pour d’autres productions.
Vous l’aurez compris : la fabrication de perruques à l’Opéra-Comique est un processus artistique complexe qui nécessite une expertise technique et une compréhension profonde des personnages de chaque production. Aux Ateliers Costumes et Perruques, le travail est collectif et la diversité des matériaux et des techniques employés dans la création des perruques prennent part à la magie et à l’émotion que l’on retrouve à la salle Favart.