La genèse de Samson

En 1731, Jean-Philippe Rameau rencontre Voltaire par l’intermédiaire du mécène Alexandre Le Riche de La Pouplinière. Si, dans un premier temps, l’homme de lettres ne semble pas apprécier le compositeur qu’il considère comme pédant et ennuyeux, très vite, il change d’opinion, subjugué par la virtuosité et les qualités de théoricien de celui qu’il baptise « Euclide-Orphée ».

Deux ans plus tard, les deux hommes envisagent de créer ensemble un opéra. Voltaire convainc Rameau de révolutionner la scène lyrique en axant la composition sur l’intrigue et l’intensité dramatique. Il l’encourage à limiter les récitatifs et les fioritures pour privilégier les airs et duos. Très vite, les premières partitions voient le jour. La création de l’opéra est malheureusement mise à mal par l’exil de Voltaire en 1734 après la publication des Lettres philosophiques. Il poursuit cependant la rédaction du livret mais à peine achevé, il est interdit par la censure, à deux reprises. Voltaire parviendra à le faire publier à l’étranger, quelques années plus tard. De son côté, Jean-Philippe Rameau réutilisera certains de ses airs dans d’autres opéras.

Près de trois siècles ont passé. Deux hommes, le chef d’orchestre Raphaël Pichon et le metteur en scène Claus Guth, sont habités par ce qu’ils considèrent comme l’une des plus belles chimères de l’opéra. Ensemble, ils décident de recréer Samson. Leurs recherches et leur collaboration permet donc pour la première fois d’entendre cet opéra inédit, mais surtout de découvrir des aspects totalement méconnus de la musique de Jean-Philippe Rameau. Portés par la noirceur du livret, les deux hommes ont puisé chez le compositeur une grande intensité dramatique, une grande tension et présentent une oeuvre qui aurait pu bouleverser la scène lyrique du XVIIIe siècle français.

Lise Bognon