Maurice Ravel naît le 7 mars 1875 à Ciboure, dans les Basses-Pyrénées : sa mère est basque et son père, ingénieur, est originaire de Haute-Savoie. Il grandit à Paris et débute tôt la musique, encouragé par ses parents.
À 14 ans, il entre au Conservatoire en classe de piano et se lie avec Ricardo Viñes, son futur interprète. Curieux de tout, il découvre les compositeurs allemands au concert comme les musiques orientales à l’Exposition universelle de 1889. Il aime Mozart et Schumann, mais aussi Chabrier et Satie, qu’il rencontre tous deux. Avide de poésie, il adore Mallarmé et s’enthousiasme pour le Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy, créé en 1894 à la Société nationale de Musique (SNM).
Il compose et, à 20 ans, publie ses premières œuvres : le Menuet antique et la Habanera. Celle-ci est créée à la SNM le 5 mars 1898, lors du premier concert à afficher son nom. Le piano ne lui suffit plus : l’année précédente, il a intégré les classes de contrepoint de Gédalge (qui lui fait aimer la technique) et de composition de Fauré, qui l’introduit dans le salon de la brillante Meg de Saint-Marceau. Stimulé par la découverte de Wagner et des compositeurs russes, qu’on joue de plus en plus à Paris, il projette et abandonne successivement deux opéras, Shéhérazade puis L’Homme au sable.
Il se lance dans le concours de composition organisé par l’Institut de France pour l’attribution du Prix de Rome, lequel garantit au lauréat plusieurs années de revenus, une belle visibilité et un label officiel : de quoi ravir ses parents ! Mais Ravel commence à acquérir une notoriété avec des œuvres d’emblée originales, ce qui va déranger certains jurés. Après un encourageant second prix en 1901, il échoue en 1902 et 1903 avant d’être exclu en 1905, ayant dépassé la limite d’âge. Le scandale n’a fait que grandir, alors que sont successivement créés, loin des canons académiques, Jeux d’eau pour le piano (1901) avec un beau succès, Pavane pour une infante défunte (par Viñes), le Quatuor en fa majeur (1904), le cycle de mélodies Shéhérazade (1904), Sonatine pour piano (1905), et que Durand devient son éditeur attitré. En 1905, dans Le Mercure de France, Jean Marnold s’emporte : le prix est-il « extorqué par l’intrigue ou décerné par des imbéciles » ? Théodore Dubois doit quitter la direction du Conservatoire, qui échoit à Fauré.
Éternel célibataire, Ravel est un dandy très sociable. Chez le peintre Paul Sordes, il s’est lié avec les poètes Léon-Paul Fargue et Tristan Klingsor, les musiciens Delage, Roland-Manuel, Schmitt, etc. Leur groupe, baptisé « Les Apaches » (les pièces de Miroirs, créées par Viñes en 1906, leur sont dédiées), se rend chaque soir à l’Opéra-Comique pour soutenir le Pelléas de Debussy depuis la première d’avril 1902. Ravel admire son aîné (de treize ans) qui le lui rend bien. Mais ils rompent en 1904, Debussy ne reconnaissant pas que sa Soirée dans Grenade s’inspire de la Habanera.
À 30 ans, Ravel jouit d’une belle considération, mais un opéra rassurerait ses parents. Il se lance dans l’adaptation des cinq actes de La Cloche engloutie de Gerhardt Hauptmann, avant que Claude Terrasse, pragmatique compositeur d’opérettes, ne le mette en contact avec Franc-Nohain, auteur de L’Heure espagnole. Proposée à l’Opéra-Comique, l’œuvre indispose son directeur. Elle sera créée après le décès du père de Ravel qui, entretemps, met en musique cinq Histoires naturelles de Jules Renard, dont « le langage direct, la poésie profonde et cachée me sollicitaient depuis longtemps. Le texte même m’imposait une déclamation étroitement liée aux inflexions du français ». Celle-ci fait scandale lors de la création du cycle en 1907, mais prépare L’Heure. Suivent la Rapsodie espagnole (créée avec succès en 1908 au Châtelet par les Concerts Colonne), Gaspard de la nuit pour piano (créé en 1909 par Viñes), Ma Mère l’Oye pour piano à quatre mains (créé en 1910 par deux enfants).
En 1910, Ravel participe à la fondation de la Société musicale indépendante (SMI), dont l’objet est de programmer en toute liberté. Lors d’un concert sans nom d’auteur, il crée dans une atmosphère électrique les Valses nobles et sentimentales. À l’Opéra-Comique paraît L’Heure espagnole : la presse étant contrastée, l’œuvre ne reviendra à l’affiche qu’en 1945, après de nombreux succès à l’étranger et une brillante production à l’Opéra Garnier en 1921.
À l’invitation de compagnies ou d’artistes, Ravel transforme plusieurs pièces pour piano en œuvres symphoniques pour le ballet : ainsi en 1912 sont créés Ma Mère l’Oye au Théâtre des Arts dans une chorégraphie de Jane Hugard, Adélaïde ou le langage des fleurs (d’après ses Valses) au Châtelet par Mlle Trouhanowa, Daphnis et Chloé chorégraphié par Fokine et dansé par Nijinsky et Karsavina, suite à une commande de Diaghilev, patron des Ballets Russes.
Ravel vit entre sa mère et son frère Édouard, fréquente les salons de ses amis et voyage volontiers : l’été à Saint-Jean-de-Luz, au printemps en Suisse chez l’ami Stravinsky avec qui il finit, à l’invitation de Diaghilev, l’orchestration de La Khovanchtchina de Moussorgski. Entre les Trois Poèmes de Mallarmé et le Trio en la mineur, Ravel soutient Stravinsky lors de la création du Sacre du printemps en mai 1913.
Les premiers mois de la Grande Guerre le frustrent : exempté de service militaire pour complexion fragile (il mesure 1,61 m), il voit son engagement volontaire refusé. Enfin, il est recruté comme chauffeur en mars 1916. Mais malade, puis abattu par la mort de sa mère, il est démobilisé un an plus tard. Écrites alors, créées en 1919 par Marguerite Long, les six pièces de son Tombeau de Couperin sont dédiées à des amis tombés au front.
Début 1920, il refuse la Légion d’honneur, déniant de « reconnaître à l’État ou au prince le droit de vous juger ». Cette année-là, il achète le Belvédère, petite maison de Montfort-l’Amaury qu’il va aménager avec soin pour recevoir ses intimes et travailler en paix. En décembre est créée, aux Concerts Lamoureux, La Valse, « apothéose de valse viennoise, à laquelle se mêle l’impression d’un tournoiement fantastique et fatal », qu’a refusée Diaghilev.
Le directeur de l’Opéra l’a présenté en 1914 à Colette, croisée chez Saint-Marceau en 1900. Le ballet prévu, ajourné par la guerre, devient L’Enfant et les sortilèges. Mais Ravel travaille lentement et est absorbé par d’autres projets : des tournées de concerts en Europe, comme pianiste ou comme chef d’orchestre, la Sonate pour violon et violoncelle (1922, à la mémoire de Debussy disparu en 1918), l’orchestration des Tableaux d’une exposition de Moussorgski (1922), la Berceuse sur le nom de Fauré, la longue genèse de la Sonate pour piano et violon (1922-1927). La signature d’un contrat avec l’Opéra de Monte-Carlo relance L’Enfant qui est enfin créé en mars 1925. « Dans l’esprit de l’opérette américaine, c’est le chant qui domine ». Son grand succès est suivi d’une création parisienne à l’Opéra-Comique en février 1926, année où sont aussi créées, lors d’un festival Ravel à la SMI, les Chansons madécasses, mélodies dont il est particulièrement fier.
En 1928, après avoir créé la Sonate pour piano et violon avec Enesco, Ravel part en tournée aux États-Unis et au Canada : curieux de jazz et de music-hall, il est partout reçu en star. Au retour, il traîne à honorer la commande d’un ballet « de caractère espagnol » par son amie danseuse Ida Rubinstein. Il en est réduit à écrire en hâte un simple crescendo orchestral, Boléro : « Voici un morceau que les grands concerts du dimanche n’auront jamais le front d’inscrire à leurs programmes ! », s’amuse-t-il avant la première du 20 novembre 1928 au Palais Garnier, en présence entre autres de Stravinsky.
Ravel le dirigera à plusieurs reprises, tout en orchestrant le Menuet antique (1929), puis en composant le Concerto pour la main gauche (1931), créé à Vienne par Paul Wittgenstein, blessé de guerre, le Concerto en sol majeur (1932), créé avec Marguerite Long à la salle Pleyel, et les trois chansons de Don Quichotte à Dulcinée (1934), d’abord destinées à Chaliapine pour un film de Pabst.
Entre tournées en Europe et honneurs divers (doctorat honoris causa à Oxford, baptême du quai où il est né à Ciboure), Ravel parvient de moins en moins à travailler. D’autant qu’atteint d’une maladie cérébrale dégénérative, il perd progressivement ses capacités d’expression, et se replie entre Monfort et chez son frère à Levallois. « J’ai encore tant de musique dans la tête », confie-t-il à la violoniste Hélène Jourdan-Morhange.
Après une infructueuse opération du cerveau, il meurt le 28 décembre 1937 à la clinique de la rue Boileau. Ses obsèques ont lieu le 30 décembre au cimetière de Levallois-Perret en présence de nombreux artistes dont Viñes, Honegger, Milhaud, Poulenc, Stravinsky et son dernier élève, Manuel Rosenthal.