Ercole amante met en scène des personnages forts que j’ai caractérisés en m’inspirant de l’histoire de chacun et de l’entre-lac des mythes, en puisant aussi dans l’histoire de l’art. J’ai voulu épouser l’univers de Valérie Lesort et Christian Hecq pour qui il s’agit d’offrir du sens au regard, d’associer beauté et humour, et d’être très rigoureux. Le mouvement du costume est en effet un paramètre du jeu scénique.
Nous voulons faciliter l’identification des personnages. Contrairement aux humains, chaque déesse ou dieu a la peau d’une couleur singulière, et montre une particularité anatomique. Cinzia (la Lune) irradie, Vénus a un visage double (comme si elle avait abusé du miroir), Junon a quatre yeux (pour mieux surveiller, effet de sa jalousie), Pasithée a un très grand front (signe d’un tempérament méditatif), Neptune a une pilosité développée (des algues).
La caractérisation des personnages passe aussi par l’intégration dynamique du symbole de chacun à son costume. Vénus ne se contente pas de brandir une rose ou une colombe, elle les utilise ; idem pour Junon avec son paon.
Le maquillage de Vénus prend une heure trente. Mais Giulia Semenzato assurant également le rôle de Cinzia dans le prologue, nous avons conçu deux coiffes qui s’emboîtent l’une dans l’autre. Nous avons mis au point un changement de costume complet en moins de six minutes, déplacement en coulisses compris, entre la fin du prologue et l’apparition de Vénus à l’acte I…
Le rôle de chaque personnage peut encore être précisé par la texture, la coupe, les volumes du costume. Cinzia / La Lune dévoile et éclaire, son costume aussi. Pasithée s’occupe de son époux, le Sommeil, en véritable aidante : son costume évoque l’infirmière.
Marquée par le malheur, Déjanire s’exprime sur le mode de la déploration. Sa robe dégradée de bleus (entièrement teinte à l’atelier), est parsemée de larmes et prolongée d’une traîne immense (40 mètres) pour dire son chagrin infini.
Iole et Hyllus sont deux amoureux dont les costumes transparents, sans être flous, légers et ajustés, s’accordent et disent la fraîcheur, la candeur, la loyauté.
Le page est un personnage romantique et fragile. Je ne l’ai pas dessiné dès le début, mais compris dans le contexte global, pendant les répétitions. Il a pris forme à l’atelier, avec son pourpoint en tulle garni de vieilles fleurs qui semblent avoir séché entre les pages d’un livre, et son col en liège qui le sauvera peut-être de la noyade…
Chaque costume est le fruit de nombreux échanges avec Valérie et Christian.
Tests et expériences ont aussi impliqué les équipes du Central Costumes, et plus largement le théâtre. Plusieurs costumes sont en effet des machines. Leur maniement concerne non seulement l’interprète, mais aussi le scénographe Laurent Peduzzi, la machinerie, la régie scénique, la chorégraphie… Sans compter les équipes de maquillage et d’habillage !