Ambroise Thomas naît à Metz le 5 août 1811, la même année que Franz Liszt. Il grandit dans l’école de musique fondée par ses parents. Après la mort de son père, il rejoint son frère, violoncelliste à l’Opéra de Paris. Violoniste et pianiste, il entre à 17 ans au Conservatoire. Il adore Bach, Mozart, Weber, et Beethoven que les Parisiens découvrent en pleine vogue rossinienne. Élève de Zimmermann et de Kalkbrenner, Thomas remporte le 1er prix de piano. Lié à Chopin dont il sera un interprète distingué, il se refuse à devenir virtuose de concert. Lesueur, le maître de Berlioz, l’encourage à composer. En 1822, il remporte le Grand Prix de Rome à sa deuxième tentative.
De 1833 à 1835, le séjour romain lui permet de se lier avec de nombreux artistes dont Ingres qui dirige la Villa Médicis. Curieux et travailleur, Thomas visite l’Italie, compose un Requiem et de la musique de chambre.
De retour à Paris en 1836, après un passage à Vienne et Munich, il assiste au triomphe de Meyerbeer, aux succès du grand opéra romantique et aux réussites de Boieldieu, Auber, Adam et Halévy à l’Opéra Comique, comme à celles de Bellini et Donizetti au Théâtre-Italien. Engagé comme violoniste au Théâtre du Vaudeville, il réalise qu’en dépit de son tempérament discret, il doit se lancer dans le lyrique pour se faire un nom.
Soutenu par Auber, il débute en 1837 à l’Opéra Comique, alors installé dans la salle des Nouveautés, place de la Bourse. La Double échelle sera joué presque 200 fois, traduit et exporté. Les titres suivants marquent un certain recul : Le Panier fleuri, Mina ou le Ménage à trois, Le Perruquier de la régence, Carline, Angélique et Médor. À l’Opéra, le ballet La Gipsy ne remporte guère de succès, non plus que Le Comte de Carmagnola, mais Le Guérillero (1842) tient l’affiche pendant trois ans. Thomas peine à adapter son inspiration délicate aux conventions, ou à les transcender avec génie. Refusant de produire de la musique simple ou grivoise, il s’éloigne des théâtres, publie son Requiem et des mélodies.
En 1849, à l’Opéra Comique réinstallé dans la (deuxième) salle Favart, il remporte un éclatant succès avec Le Caïd qui atteint presque 400 représentations tout en s’exportant en Europe. L’année suivante, son adaptation du Songe d’une nuit d’été démontre sa maîtrise des formes et son savoir-faire orchestral. Son aptitude à intégrer les nouveautés – comme les instruments d’Adolphe Sax – et sa propension à élargir le cadre de l’opéra-comique sont appréciées.
Consécration en 1851 : il succède à Spontini à l’Académie des beaux-arts, passant devant Berlioz à qui le lie une cordiale amitié. À 40 ans, il apparaît comme un musicien sérieux et consensuel. Suit une décennie de succès médiocres : l’opéra Raymond ou le Secret de la reine, les opéras-comiques La Tonelli, La Cour de Célimène, Psyché, Le Carnaval de Venise, Le Roman d’Elvire. Mais il est nommé professeur de composition au Conservatoire en 1856, succédant à Adam. Parmi ses élèves figurera Massenet qu’il tiendra pour un génie.
Doutant du théâtre, privé de vocation pour la symphonie, il s’absorbe dans des pièces pour orgue, des cantates, et des chœurs pour le mouvement orphéonique (restauration du chant dans la population) dont la section parisienne est dirigée par son ami Gounod.
Sept ans après une première adaptation de Goethe pour Gounod, Faust, Barbier et Carré convainquent Thomas de faire son retour à l’Opéra Comique avec Mignon : c’est l’événement lyrique de l’année 1866. Deux ans plus tard, ils produisent Hamlet à l’Opéra. Goûtés pour leur éclectisme distingué, Mignon et Hamlet ne quittent plus le programme des deux institutions. En 1868, Thomas est le premier musicien nommé commandeur de la Légion d’honneur.
À la mort d’Auber en pleine guerre de 1870, Thomas lui succède à la tête du Conservatoire. Ce directeur de 60 ans passe pour savant mais académique et autoritaire. Il développe l’enseignement du solfège, crée des classes de déchiffrage, d’esthétique, d’histoire de la musique, d’orchestre ainsi que des exercices publics. S’il a soutenu les débuts de Bizet et de Massenet, il n’apprécie ni l’influence du professeur d’orgue César Franck sur la jeune école française (d’Indy, Chabrier, Messager, Chausson…), ni leur engouement pour Wagner. Son rejet de l’influence allemande sur la musique française s’explique autant par sa culture latine – il est l’ami de Verdi – que par les récentes pertes de guerre, Metz ayant été annexée. Il refusera de confier à Fauré la classe de composition et goûtera peu les débuts de Debussy.
Après le succès tardif d’un opéra-comique de jeunesse, Gille et Gillotin, ses derniers ouvrages affichent un classicisme à toute épreuve. Adaptation de Dante, l’opéra Françoise de Rimini est créé en 1882 avec un succès d’estime. Après une pause au cours de laquelle il se marie discrètement – sa vie personnelle est un mystère et il n’aura pas d’enfant –, son ballet La Tempête est un échec. En 1887, il se voit commander une nouvelle instrumentation de La Marseillaise, hymne national depuis 1879. En 1894, événement inédit : l’Opéra Comique célèbre la 1000e représentation de Mignon. Sur la scène, il est élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur par le président de la République Sadi Carnot.
Il meurt le 12 février 1896. Ses funérailles grandioses font état de sa stature de maître en France et de représentant du grand répertoire français à l’étranger.