Chef-d’œuvre méconnu de Jacques Offenbach, Fantasio ouvrira la saison lyrique de l’Opéra Comique, à l’aube de l’année 2017, en coproduction avec le Grand Théâtre de Genève, le Théâtre Impérial de Compiègne, le Théâtre National de Zagreb et l’Opéra Théâtre de Limoges.
Dès 2015 et tout au long de l'année 2016, un véritable laboratoire créatif est mis sur pied avec les artistes, les équipes du théâtre et… le public ! Le troisième rendez-vous de cette chronique est fixé le 29 avril prochain et ouvert aux spectateurs curieux de découvrir comment un collectif d’artistes questionne et s’approprie une œuvre.
Fantasio
La production de Fantasio est emblématique de la nouvelle relation à l’art lyrique que l’Opéra Comique veut développer pour et avec les artistes et les spectateurs. Il s’agit de restaurer le dynamisme théâtral du répertoire, de favoriser sa capacité à inspirer de nouveaux langages, de renouveler le rapport de chacun à la musique et à la scène, de rapprocher acteurs et spectateurs dans une expérience théâtrale complète.
Avec Fantasio en 2015-2017, l’Opéra Comique convie les spectateurs à une découverte de l’œuvre à travers le montage de la production et la construction des personnages, de l’espace scénique, du temps du spectacle et de l’interprétation, au plus près des artistes et des métiers qui font l’opéra.
Alors que seule une version viennoise permettait d’appréhender l’œuvre, Boosey and Hawkes ont publié en 2013 la reconstitution de la création parisienne, issue du rassemblement des manuscrits par l’éditeur Jean-Christophe Keck. L’Opéra Comique peut donc recréer ce chef-d’œuvre méconnu, véritable autoportrait d’Offenbach avec la complicité du chef d’orchestre Laurent Campellone, qui dirigera l’Orchestre Philharmonique de Radio France, et du metteur en scène Thomas Jolly, qui aborde pour la première fois le répertoire lyrique, fort d’une démarche participative qui a fait ses preuves au théâtre.
De partenaires français et européens se sont ralliés au projet : le Grand Théâtre de Genève, l’Opéra de Rouen, le Théâtre National de Croatie, le Théâtre Impérial de Compiègne.
Le Point de vue de Thomas Jolly, metteur en scène
« L’opéra, jusqu’à aujourd’hui contraint dans son processus de création, peut faire du temps un allié précieux. Comme au théâtre, le temps permet la mesure et le dépôt du travail. Il est propice à l’essai, aux résolutions des échecs, à la recherche et aux trouvailles. Il est aussi le diapason de l’ensemble de l’équipe de création et forge le lien entre les artistes, les concepteurs, les techniciens, les artisans. L’étalement dans le temps de la création théâtrale a contribué à la réussite de Henry VI. Ce processus est devenu pour moi une «école» et je suis prêt à le mettre en œuvre à l’Opéra Comique pour Fantasio qui sera mon premier spectacle lyrique.
Cette démarche ouvre aussi une formidable porte d’entrée au public. Le faire accéder au «chantier de construction» d’un opéra donne à découvrir la réalité concrète des métiers impliqués et permet en outre aux futurs spectateurs de s’approprier l’œuvre. Pour notre travail, la confrontation avec le public en cours de création constitue toujours un indicateur précieux de ce qui fonctionne déjà, ou pas encore. Les rendez-vous d’étapes que nous pratiquons en interne, entre équipe artistique et équipes du théâtre, ouvrons-les aux spectateurs : ils nous enrichirons mutuellement. »
En savoir plus...
Thomas Jolly est né le 1er Février 1982 à Rouen. Il commence le théâtre dès 1993 dans la compagnie “théâtre d’enfants” dirigée par Nathalie Barrabé. Il entre ensuite au lycée Jeanne d’Arc en classe théâtre et travaille sous la direction des comédiens du Théâtre des Deux Rives / Centre Dramatique Régional de Haute-Normandie. De 1999 à 2003, parallèlement à une licence d’études théâtrales à l’université de Caen, il crée une compagnie étudiante et intègre en 2001 la formation professionnelle de l’ACTEA où il travaille avec Olivier Lopez, Sophie Quesnon, René Pareja… En 2003, il entre à l’Ecole Supérieure d’Art Dramatique du Théâtre National de Bretagne à Rennes dirigée par Stanislas Nordey. Il travaille sous la direction de Jean-François Sivadier, Claude Régy, Bruno Meyssat, Marie Vayssière.
En 2005, il joue dans Splendid’s de Jean Genet, mis en scène par Cédric Gourmelon et en 2006, sous la direction de Stanislas Nordey, il joue dans Peanuts de Fausto Paravidino. A l’issue de sa formation, il fonde la Piccola Familia avec une partie des comédiens qui ont accompagné ses années d’apprentissage. Il met en scène Arlequin poli par l’amour de Marivaux en 2007 (repris en 2011 avec une nouvelle distribution), Toâ de Sacha Guitry en 2009 (Prix du public, Festival Impatience, Théâtre de l’Odéon, Paris) et Piscine (pas d’eau) de Mark Ravenhill présenté au Festival Mettre en Scène en 2011 à Rennes.
Parallèlement aux créations de la compagnie il répond à plusieurs commandes du Trident – Scène Nationale de Cherbourg-Octeville et crée Une nuit chez les Ravalet (spectacle déambulatoire avec la Piccola Familia), Pontormo en 2008 et Musica Poetica en 2011 (deux spectacles/concerts avec l’ensemble baroque Les Cyclopes). Depuis 2010, il travaille sur la pièce Henry VI de William Shakespeare, un spectacle-fleuve de dix-huit heures dont il crée les deux premiers épisodes en 2012 au Trident – Scène nationale de Cherbourg-Octeville. Le troisième épisode voit le jour au Théâtre National de Bretagne à Rennes (Festival Mettre en Scène) en 2013, année durant laquelle Thomas Jolly met en scène Box Office, un texte du jeune auteur Damien Gabriac. C’est en juillet 2014 qu’il créé le quatrième et dernier épisode d’Henry VI : l’intégralité du spectacle est donné lors de la 68e édition du Festival d’Avignon. En 2015, il entreprend la création de Richard III, concluant ainsi cette tétralogie shakespearienne. Cette même année, il reçoit le Prix Jean-Jacques Gautier – SACD et le Molière 2015 de la mise en scène d’un spectacle de Théâtre Public pour Henry VI.
En parallèle de ses créations, Thomas Jolly intervient auprès des 7e et 8e promotions de l’École Supérieure d’Art Dramatique du Théâtre National de Bretagne à Rennes. Il réalise également des workshops avec les élèves du Conservatoire de Rouen et de l’ACTEA à Caen. En octobre 2014, il met en scène une version russe d’Arlequin poli par l’amour de Marivaux avec les acteurs du Gogol Centre de Moscou.
Thomas Jolly est artiste associé du Théâtre National de Bretagne à Rennes depuis le 1er janvier 2014. En juillet 2016, il deviendra artiste associé du Théâtre National de Strasbourg.
Retour sur la rencontre, en public, entre Thomas Jolly, Marianne Crebassa et Katia Kruger - Jeudi 3 Décembre 2015 à 19h
Quand elles se penchent sur le berceau d’une œuvre, les fées du théâtre musical ont parfois la main lourde. Prenez cette soirée du 3 décembre au cours de laquelle le metteur en scène Thomas Jolly avait donné rendez-vous au public et à quelques journalistes pour les convier à sa première rencontre avec Marianne Crebassa, la mezzo-soprano avec laquelle il va ouvrir la première saison post-chantier de la salle Favart avec un Fantasio de Jacques Offenbach en février 2017.
Le lieu d’abord. Fermé comme on sait pour travaux, mais toujours soucieux de favoriser les échanges, l’Opéra Comique s’était mis en quête d’une salle pour abriter l’évènement. Une salle avec une scène, des fauteuils et une régie technique puisqu’il s’agissait bien sûr d’accueillir au mieux le public et de filmer le tout. La fondation Gecina - qui mécène notre institution depuis quelques années - ayant aimablement proposé son auditorium rue des Capucines, il fut décidé d’en faire le lieu de ralliement à cette entreprise pour le moins incongrue et nouvelle : a-t-on vu souvent un metteur en scène décider de découvrir un de ses acteurs au vu et au su de tout le monde ? A-t-on vu une maison d’opéra donner son aval à un tel déballage? A notre connaissance jamais. Il y avait bien eu, un jour, dans cet auditorium, la projection publique d’un documentaire sur les abeilles, mais jamais l’endroit n’avait accueilli véritablement une assistance étrangère à l’entreprise. Autre grande première. Et c’est ainsi que l’on vit débouler - la nuit tombant- abonnés et spécialistes ès lyrique dans ce sous-sol confortable plus habitué à rassembler les salariés ou les cadres dirigeants du groupe immobilier ami qu’à servir d’abri à un premier contact entre passionnés.
Les individus ensuite. Découverte, on l’a dit, des deux artistes qui n’avaient jamais eu l’occasion de se croiser. Première fois aussi que Thomas Jolly s’attaque à une mise en scène d’opéra après une décade consacrée exclusivement à monter et jouer du théâtre. Première fois encore que Marianne Crébassa entame une collaboration avec l’Opéra Comique. Ça commençait à faire beaucoup.
L’œuvre enfin. Ce Fantasio de Jacques Offenbach sur un livret inspiré par Alfred de Musset, crée en 1872 à Favart, joué quatorze fois, jamais redonné depuis, tombé dans l’oubli et qui en février 2017, avec la première du premier ouvrage de reprise place Boieldieu, va donc retrouver tout son éclat ! Choix pouvait difficilement être plus symbolique. Cette deuxième série de représentations est en réalité une renaissance. Et pas n’importe laquelle puisque la méthode adoptée (les artistes ouvrant le processus créatif au public et aux journalistes) permet d’initier un nouveau modèle de production lyrique en accordant davantage de temps à la maturation artistique. A-t-on souvent vu à l’opéra une équipe se mettre en place et commencer le travail avec les interprètes quasiment quatorze mois avant la première…? Jamais là encore et donc nouvelle première fois. Comptez donc : vos deux mains ne suffiront à peine à enregistrer le nombre de nouveautés qui se sont déployées et vont continuer de le faire en cette soirée du 3. Des premières fois à la pelle. De mémoire de chimiste, on n’avait jamais vu un auditorium d’entreprise se transformer aussi vite en laboratoire d’expérimentations. « Je n’ai pas de compétence en bricolage » s’est amusé le natif de Rouen, « j’ai des choses à découvrir ». Ou encore à l’adresse de la mezzo-soprano, « Je sais diriger les acteurs, j’aimerai que tu m’apprennes comment on met en scène des chanteurs». Ce qui amènera la réponse de l’intéressée, « Je trouve très intéressant que tu te poses ces questions », sans que l’on sache exactement si elle avait l’intention ou pas de répondre à la supplique. Une soirée à faire assaut de modestie et de prévention à l’endroit d’un travail préparatoire qui commence et qui tiendra l’équipe jusqu’aux répétitions qui débuteront au théâtre impérial de Compiègne en décembre 2016 ; fermeture pour travaux obligent. Une soirée à se découvrir, à rire, à jouer avec le public. A lui faire ses confidences, en lui faisant partager l’un « son coup de foudre pour cette musique d’Offenbach », l’autre son appréhension malgré tout devant « cette aventure » puisque le rôle-titre, comme les autres, n’a pas été entendu par grand monde faute d’avoir été beaucoup joué (seule interprétation récente : Marianne Crébassa dans une version concert de Fantasio en juillet dernier à Montpellier). A l’engueuler aussi, le public, quand il conteste avec force un propos qui ne lui plaît pas, « Vous m’écoutez ou pas ? ».
Voilà pour l’anecdote. Sur le fond, cette première expérience aura tout de même permis de deviner dans quelle direction s’oriente la petite troupe qui s’est attelée à la tâche. Et c’est du côté d’un Offenbach plus secret, plus intime, plus subtile que Thomas Jolly voudrait aller chercher son inspiration. La ville ou se passe l’action est morne, c’est la guerre, les amours sont empêchées quand elles ne sont pas forcées, jusqu’à justement l’intervention du courage et de la jeunesse pour que la fin soit heureuse. Une scénographie faisant succéder le noir et blanc avec la couleur pour un final de lumière et de joie. Toujours à ce petit jeu des devinettes et des tâtonnements, on a cru comprendre que le texte de Musset sera remanié et que même, certains passages qui se trouvaient dans le livre mais avaient été abandonnés dans le livret y seront restitués. Bref, on a vu le travail comme il est en train de se faire, un opéra était en fondation et c’était émouvant.
Coup d’essai et coup de maitre. Thomas Jolly a promis qu’il invitera à nouveau public et journalistes pour de nouvelles séances. On applaudit à la prise de risque de l’artiste. Mais n’allez pas croire que tout se fera sous le regard des caméras et des témoins. La preuve : la première rencontre entre le metteur en scène et le chef d’orchestre, Laurent Campellone, se fera le 14 décembre sans que nous n’en sachions rien. Il doit y avoir des premières fois qui appellent la pudeur…
L'affaire Fantasio, chroniques d'un opéra, est l'occasion d'organiser la création d'un spectacle "à vue", en étroite relation avec le public. Plusieurs rendez-vous seront proposés tout au long de la période de création.
- du 25 novembre au 2 décembre 2015 : premier travail à la table et premier atelier entre les équipes artistiques et dramaturgiques.
jeudi 3 décembre 2015 : première rencontre avec le public: Premières Rencontres
entrée libre sur réservation à partir du 23 novembre (nombre de places limité) - A l'auditorium de Gécina, 2e arrondissement de Paris
- du 1er au 4 mars 2016: deuxième session de travail avec les artistes
vendredi 4 mars 2016 à 20h : deuxième rencontre publique : Les vendredis de Jacques
entrée libre sur réservation à partir du 25 février (nombre de places limité) - Au WIP Villette, 30 Avenue Corentin Cariou 75019 Paris
- vendredi 29 avril 2016 à 19h : troisième atelier et rencontre avec le public : Les vendredis de Jacques
entrée libre sur réservation à partir du 10 avril (nombre de places limité) - au Théâtre Paris-Villette 211 Avenue Jean Jaurès 75019 Paris
A l’issue d’une nouvelle session de travail collectif, l’équipe de Thomas Jolly se réunit le 29 avril pour présenter au public le fruit de sa recherche dramaturgique dans un « Vendredi de Jacques » enjoué. Cinq chanteurs pour la première fois réunis autour de ce projet se prêteront au jeu pour faire de cette soirée une fête musicale, à la mode romantique !
C’est cette fois autour de l’acte 1 de Fantasio que les esprits vont phosphorer, avec en toile de fond un choix de textes romantiques, notamment d’Alfred de Musset, et le souhait de dessiner la vie estudiantine de l’époque, la « génération Musset ».
« Les fêtes que donnait Jacques Offenbach à Paris étaient aussi courues que les représentations de ses opéras. Le gratin parisien s'y entassait jusque sur le palier, certain que le programme les comblerait. On y jouait de la Musique bien-sûr, et pas seulement la sienne, on y faisait entendre des textes divers dans des distributions invraisemblables. L'humour et l'absurde dominaient ces soirées. Au beau milieu de cette frénésie festive, le compositeur continuait souvent à écrire son œuvre prolifique, imperturbable.
Reprenant le principe de ces soirées hétéroclites et festives, la liberté du programme nous permettra de distiller au public le fruit de notre travail dramaturgique sur la construction de l’Opéra Comique Fantasio. »
Entrée libre sur réservation (dans la limite des places disponibles) - au Théâtre Paris-Villette 211 Avenue Jean Jaurès, 75019 Paris
Avec le soutien du Théâtre Paris-Villette
- Décembre 2016-janvier 2017: répétitions et avant-premières
- Février 2017 : première du spectacle à l’Opéra Comique
Mise en scène Thomas Jolly • Collaborateur artistique Alexandre Dain • Dramaturge Katja Krüger • Franck Leguérinel, Marie-Eve Munger, Alix Le Saux, Philippe Estèphe, Enguerrand de Hys / Accompagnés par Martin Surot • En présence des 7 étudiants de l’EHESS qui suivent le projet.
Voir toute la distributionVendredi 29 Avril 2016 - 19:00
Entrée libre sur réservation (dans la limite des places disponibles) - au Théâtre Paris-Villette 211 Avenue Jean Jaurès, 75019 Paris
Distribution
En présence des 7 étudiants de l’EHESS qui suivent le projet.