1- Une oeuvre française
La Bohème de Puccini fait partie des opéras italiens les plus connus au monde. Mais qui sait que cet opéra est tiré d’un roman français ? Et qu’il a été donné en français pour sa toute première représentation en 1897 ?
Dans la veine du vérisme, courant artistique du XIXe siècle, Henry Murger écrit Scènes de la vie de bohème publié en 1851, qui dépeint de façon presque sociologique et documentaire la vie des jeunes artistes à Paris, souvent pauvres, insouciants mais dévoués à leur art et au désir d’existence. Le roman est un succès, son adaptation au théâtre aussi. Observant ce triomphe Puccini adapte pour l’opéra en Italie cette histoire poétique qui renvoie l’image d’un Paris romantique. C’est donc une histoire d’amour entre Mimi et Rodolphe qui se termine avec la mort, mais c’est aussi l’histoire d’une amitié très forte entre tous les protagonistes qui luttent pour faire valoir leurs arts et pour survivre.
La première de l’opéra se fait à Turin en 1896. L’année suivante, le directeur de l’Opéra Comique Albert Carré, invite Puccini à créer La Bohème à Paris, salle Favart, où elle est montée en français - car il n’est pas encore dans les mœurs en Europe de donner les œuvres dans leur langue d’origine. La traduction française est alors validée par Puccini lui-même pour ces représentations. La Bohème devient une œuvre de répertoire, donnée plus de 1 500 fois à l’Opéra Comique !
2- Une réécriture pour être au coeur de l’intime
Bohème, notre jeunesse est une production qui, tout en respectant le récit, les personnages, la musique et le contexte historique de l’œuvre de Puccini, en offre une version plus intime, plus accessible et plus sensible à la condition féminine. Reprenant l’esprit naturaliste du XIXe siècle, Pauline Bureau et Marc-Olivier Dupin ont recentré l’œuvre sur les personnages principaux, dans leur intimité et avec un langage plus contemporain. Les rôles masculins ont été réduits pour rééquilibrer la distribution des rôles entre les femmes et les hommes. Pauline Bureau a choisi de montrer que Musette et Mimi sont des femmes différentes mais solidaires et fortes, capables d’indépendance et surtout qu’elles peuvent aussi être des artistes. Il faut dire qu’à l’époque de la création, l’art au féminin n’était pas considéré ; il restait l’apanage des hommes qui cantonnaient les femmes à l’artisanat. Ici, Mimi est ici dépeinte comme une véritable créatrice de broderies.
L’adaptation s’intéresse également au passage à l’âge adulte, ce que souligne avec une pointe de mélancolie le “notre jeunesse” du titre.
La nouvelle traduction s’attache à faire entendre le texte maintenant, tout en respectant l’époque de l’écriture. Visuellement, la mise en scène travaille sur la frontière entre le passé et le présent, un Paris du XIXe siècle éclairé au néon, un jupon d’autrefois qui pourrait être à la mode cet été. C’est ce frottement entre hier et aujourd’hui qui crée l’univers de Bohème, notre jeunesse. Deux époques qui dialoguent et qui s’éclairent mutuellement.
Quant au côté musical, l’harmonie est scrupuleusement respectée, les choeurs ont disparus au profit de la valorisation des voix des solistes et du jeu théâtral, l’orchestre réduit à un effectif de 13 musiciens. Seuls des aménagements rythmiques, en accord avec la prosodie française, ont été réalisés, comme dans la première version française de Ferrier, validée en son temps par Puccini. Dans cet esprit intimiste, le spectateur se verra transporté - aussi bien musicalement que scéniquement - au plus près du drame que vivent les personnages.
3- Voyage, voyage
Cette version revisitée de La Bohème permettra par son format (1h30) et sa lecture contemporaine d’amener l’opéra dans des lieux qui ne sont a priori pas conçus pour en accueillir et de faire découvrir le genre et l’œuvre à de nouveaux spectateurs. Les décors inventifs sont légers et faciles à déplacer et donnent une large place à la vidéo pour plonger encore davantage le spectateur dans le Paris de la Belle Epoque (reconstitution d’une mansarde, d’un café ou d’autres lieux de vie sur scène). Pour pouvoir se produire y compris dans des salles qui ne disposent pas de fosse d’orchestre, l’effectif a été réduit pour atteindre treize musiciens. Ils utilisent des instruments polyphoniques, la harpe, certaines percussions ainsi que l’accordéon qui occupe une place très importante et renforce l’esprit bohème.
La vocation de l’Opéra Comique étant de réduire les frontières géographiques et sociales, avec des opéras accessibles à tous et pour tous, le spectacle voyagera ainsi chez son coproducteur à l’Opéra de Rouen, mais aussi dans le cadre de projets d’action culturelle dans la région Ile de France (à Versailles et Suresnes) mais aussi dans le sud de la France ou encore dans la région normande.
4- Pauline Bureau, femme de théâtre
Plusieurs metteurs en scène issus du théâtre ont été invités à l’Opéra Comique pour se prêter à l’exercice du genre. Dernièrement c’était avec David Bobée pour La Nonne sanglante. Aujourd’hui c’est Pauline Bureau qui s’installe salle Favart pour son premier opéra. Metteuse en scène, autrice et actrice, elle fonde la compagnie La part des anges après sa formation au Conservatoire national supérieur d’art dramatique. En 2015 elle reçoit le prix Nouveau Talent théâtre de la SACD et crée cette même année Dormir cent ans qui lui vaut le double prix public et Jury de MOMIX 2016 (festival international de la création pour la jeunesse) ainsi que le Molière 2017 du spectacle jeune public. Plus récemment, Pauline Bureau a créé Mon cœur, aux Bouffes du Nord, un spectacle qui raconte la vie d’une victime du Médiator et Les Bijoux de Pacotille de et avec Céline Milliat Baumgartner. Des spectacles toujours engagés, avec une scénographie sobre mais onirique, et souvent une présence vidéo pour appuyer les textes.
5- Bohème c’est aussi l’esprit de la troupe Favart
Même si l’Opéra Comique n’abrite plus de formation artistique, la maison reste attachée à l’esprit de troupe. Depuis 2017, l’Opéra Comique fidélise les chanteurs désireux d’aborder les œuvres dans une démarche aussi théâtrale que musicale, et dans un esprit de compagnonnage créatif. Ainsi, dans Bohème, notre jeunesse nous avons quatre chanteurs et chanteuses issues de celle Nouvelle troupe Favart. La soprano Sandrine Buendia dans le rôle de Mimi que l’on a déjà pu entendre salle Favart dans Cendrillon et Le Mystère de l’écureuil bleu; Le ténor Kevin Amiel, qui joue l’amoureux de Mimi, Rodolphe et que l’on a pu voir dans Fantasio à l’Opéra Comique en compagnie de la soprano Marie-Eve Munger qui chante Musette; et enfin Ronan Debois qui chante le rôle de Schaunard et qui était présent récemment dans l’opéra Le Mystère de l’écureuil bleu.
Une raison de plus pour découvrir Bohème, notre jeunesse, un opéra à l’image de l’Opéra Comique, qui mêle esprit familial et désir d’innovation et de création.