À lire avant le spectacle - L'Inondation

Publié le 26 janvier 2023
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Plus qu’un théâtre de création, l’Opéra Comique est historiquement un théâtre d’expérimentation, lieu d’une rencontre féconde entre musique et littérature dramatique. Si l’opéra visait à l’harmonie de ses composantes, l’opéra-comique était par définition hétérogène, combinant le rire et l’émotion, la trivialité et la poésie. C’est donc aussi à l’Opéra Comique que, dès la fin du XIXe siècle, les artistes explorèrent des solutions de convergence entre les arts, en renouvelant leur écriture et leurs rapports à la fiction, à la matérialité du plateau, au public.

Ces dernières décennies, les créateurs d’opéra contemporains affichent une volonté supplémentaire : faire de ce qui se vit autour de la fosse d’orchestre une expérience collective.

Quoi de plus efficace alors qu’une démarche artistique qui, dès la conception du spectacle, mobilise auteurs, interprètes et personnels du théâtre dans un même questionnement ?

Ce n’est pas la seule originalité de L’Inondation. Cet opéra a d’abord été le projet d’un écrivain. Depuis une dizaine d’années, Olivier Mantei et Joël Pommerat échangeaient sur le théâtre et l’opéra, sur leurs temporalités propres, devenues progressivement inconciliables. Car aujourd’hui, l’opéra est soumis à des contraintes rigoureuses de planning et de budget, tandis que le théâtre sait s’accorder le temps long du work in progress, voire, dans le cas de Pommerat, de l’écriture au plateau.

N’y a-t-il pas intérêt, pourtant, à faire bénéficier l’opéra de la dynamique du théâtre, de sa liberté de chercher, d’expérimenter ? Au fil des belles productions lyriques pour lesquels Pommerat a, ces dernières années, adapté trois de ses pièces, est née une certitude : il lui fallait écrire un livret original, aborder une écriture qui génère sa propre nécessité de musique.

Une fois l’idée acquise s’est dessiné le portrait d’un compositeur dont le langage concilierait une écriture contemporaine et complexe avec une nature profondément dramatique. Un musicien porté à caractériser des personnages, à développer une narration, à générer des tensions émotionnelles. Passionné d’opéra, Francesco Filidei souhaitait aussi se confronter à l’écriture théâtrale.

L’ensemble du processus de création a donc pu être repensé avec eux, au moment même du choix de la nouvelle de Zamiatine comme sujet. L’Opéra Comique s’est mobilisé pour transformer ses modes de production habituels, adaptés au répertoire, afin d’épouser leur dynamique créative, le temps de la recherche, de l’expérimentation, de l’interaction et de la maturation littéraire, sonore, scénique.

L’écriture est née d’un temps partagé par l’auteur et le compositeur, régulièrement élargi à des interprètes. Le duo créatif a ainsi généré l’œuvre d’un point de vue commun. L’enregistrement de la partition, réalisé un an avant la première pour faciliter le travail du metteur en scène, a permis aux interprètes d’aborder le travail scénique avec la liberté d’un apprentissage musical achevé. Enfin, tous ont bénéficié d’un temps de plateau plus long que d’habitude, afin que la fonction dramaturgique du décor soit pleinement exploitée dans l’écriture de la mise en scène.

De 2017 à 2019, l’Opéra Comique a ainsi, collectivement, pris le temps de l’inspiration, de la réflexion et de l’échange, et relevé le défi d’une nouvelle façon de créer l’opéra. Nouvelle œuvre originale signée Pommerat et Filidei, L’Inondation inaugure aussi de nouvelles connivences entre opéra et théâtre. 

C'est pourquoi, quatre ans plus tard ce chef-d'œuvre est de retour salle Favart. 

Agnès Terrier

L'Inondation

Francesco Filidei | Joël Pommerat

27 février au 5 mars 2023

Un couple sans enfant finit par adopter une orpheline. L’adolescente se fait une place imprévue dans leur foyer et dans leurs cœurs. Joël Pommerat et Francesco Filidei composent à deux pour la scène une œuvre sensible et intense, inspirée d’une nouvelle de Zamiatine. Retour salle Favart de ce succès de 2019.

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Argument

Il était une fois une femme, aimant un homme, aimée de lui, mais sans enfant. Dans leur petit appartement au bord du fleuve, la vie semble tourner au ralenti, comme les machines de l’usine à côté, silencieuse, immobile, traversée par les vents d’automne et l’agitation des voisins alentours.

Une nuit pluvieuse, la jeune fille du dernier étage, dont le père vient de mourir, est amenée chez eux. L’homme et la femme décident de la garder.

La vie reprend. Arrive le printemps, des liens se nouent entre l’homme et la jeune fille, de plus en plus proches. La femme reste en retrait, délaissée, muette face à cette intimité rivale qui s’installe au quotidien. La résignation, la jalousie, le ressentiment, passions tragiques d’une Médée ou d’une Hermione ici privées de mots, l’entraînent au bord du gouffre.

Un jour de crue, la femme se laisse déborder par ses émotions. Une inondation dévaste leur appartement.

Hébergés quelques semaines par la famille du deuxième étage, chacun retrouve sa place. La nuit, l’homme et la femme sont à nouveau réunis, sur un divan au salon, tandis que la jeune fille partage la chambre des enfants.

Le jour où ils regagnent leur appartement, la jeune fille disparaît. Trois mois plus tard, la femme découvre qu’elle est enceinte.

L’enquête pour disparition n’est pas prolongée, la vie reprend, malgré les mauvais rêves et la tempête intérieure de la femme. Une petite fille naît. L’homme et la femme sont heureux.

Mais la vie, pour Zamiatine comme pour Pommerat, n’est pas un conte de fées. Hantée par le souvenir de la jeune fille, la femme sombre dans un délire fiévreux et prend, enfin, la parole, une parole qui libère, lui fût-elle fatale…

Marion Boudier