Pas question de dévoiler tous les effets scéniques et l’utilisation du tableau de Jean-Baptiste Corot dans les décors qu’Aurélien Bory installent ces jours-ci sur la scène de la salle Favart. Disons simplement et pour mettre en appétit que cet « Orphée ramenant Eurydice des enfers » - que le peintre a terminé en 1861- se retrouve sous cinq formes différentes tout au long du spectacle. La même toile, en plus ou moins grande dimension, selon des matières à chaque fois différentes et soutenue par des effets visuels nouveaux. On n’en dira pas plus.
C’est en effectuant des recherches iconographiques sur le mythe qu’un membre de l’équipe d’Aurélien Bory est tombé sur la toile et l’a montrée au metteur en scène qui a voulu en faire la composante essentielle de l’univers visuel qu’il proposera aux spectateurs. Poussin, Cocteau, Moreau ont eux-aussi, avec beaucoup d’autres, été inspirés par l’histoire catastrophique et à bien des égards éclairante du poète-musicien grec. C’est sur Corot que le choix s’est arrêté et ce n’est évidemment pas un hasard. Corot est considéré par beaucoup comme le père de l’impressionnisme et à bien regarder le tableau, on imagine effectivement l’odeur des bois, on entend le ruissellement de l’eau. On sait la révolution que le mouvement imprimera sur l’histoire de l’art et la manière de restituer le réel. La même impression prévaudra-t-elle à l’Opéra Comique ?
Le tableau est postérieur à la version proposée de l’œuvre de Gluck remaniée par Hector Berlioz et créé au Théâtre-Lyrique le 19 novembre 1859. Il est donc très possible que Corot fût dans la salle et se soit inspiré de ce qu’il a entendu pour composer son tableau. C’est ce que veut croire, en s’amusant, Aurélien Bory. Cet intuition se retrouvera-t-elle dans la façon dont il a travaillé le livret et la partition avec Raphaël Pichon, le chef d’orchestre ? Là encore, nous n’en dirons pas plus mais ceux qui connaissent les différentes interprétations qui ont été données de l’œuvre ne sont pas au bout de leurs surprises.
Dernière indication : à bien regarder le tableau, le spectateur ne sait pas si les deux amants viennent de traverser le Styx – auquel cas, ils sont sortis des Enfers - ou si l’eau que l’on voit est une simple mare devant laquelle sont massés des morts. Mais alors pourquoi la nymphe se tient-elle toujours en retrait ? Corot brouille les pistes. On sait que dans l’histoire originelle, Orphée et Eurydice sont encore en Enfers quand le premier se retourne, violant la condition de la sortie que les dieux avaient édictée, précipitant à jamais la seconde dans la mort. La liste est longue des écrivains qui ont proposé une fin originale à cette tragédie. Quelle sera celle qui sera proposée à partir du 12 octobre ?
Mystère.