L’opéra des opéras, dirigé par Raphaël Pichon et avec une mise en scène en trois dimensions signée Aurelien Bory.
Opéra en quatre actes. Livret français de Pierre-Louis Moline. Version remaniée par Hector Berlioz. Créée le 19 novembre 1859 au Théâtre-Lyrique.
Messager des dieux, Amour annonce à Orphée qu’il peut aller chercher Eurydice aux Enfers. Son chant a le pouvoir d’apaiser les Furies et d’animer les Ombres heureuses. Mais sa voix ne peut rassurer Eurydice que désespère la feinte indifférence d’Orphée, ainsi mis à l’épreuve par Jupiter…
Orphée et Eurydice bouleversa l’Europe des Lumières. Adorateur de Gluck, Berlioz fit la synthèse des versions italienne et française d’origine à l’attention de Pauline Viardot, dont la voix pouvait faire revivre l’art disparu des castrats pour le public romantique. La beauté de l’oeuvre doit autant à l’intensité des échanges qu’à l’éloquence de l’orchestre et à l’implication spectaculaire du choeur. Raphaël Pichon dirige l’opéra des opéras et Aurélien Bory déploie les vertiges des espaces que parcourt Orphée, mentaux, supranaturels et d’au-delà. Après Fantasio, Marianne Crebassa endosse ce nouveau rôle travesti en compagnie d’Hélène Guilmette (l’Hélène du Timbre d’argent) et de Lea Desandre (Alcione).
De la naissance de l’opéra, à l’aube du XVIIe siècle, à la renaissance de l’art scénographique et chorégraphique au XXe siècle (d’Adolphe Appia à Pina Bausch), la figure d’Orphée marque les étapes majeures de l’évolution de la scène lyrique.
Au centre du mythe raconté par Virgile et Ovide, la tentative du chantre thrace de ramener Eurydice des Enfers. Que la musique puisse braver la mort et en suspendre la fatalité au profit de l’amour, le temps d’un voyage – et d’une représentation : aucun sujet ne pouvait mieux convenir au spectacle d’opéra. À sa mise en œuvre comme à sa remise en cause.
Gluck devait inévitablement l’utiliser pour tenter la réforme de l’opéra de son temps, successivement en Italie en 1762, puis en France en 1774. Auparavant, le personnage d’Orphée avait été inaugural : celui de Monteverdi, premier à être imprimé ; celui de Rossi, premier à être donné en France (en 1647 devant Louis XIV enfant). Après Gluck, l’Orphée aux Enfers d’Offenbach allait annoncer en 1858 la naissance d’un genre destiné lui aussi à un succès européen, l’opéra-bouffe.
Il ne s’agit pas de faire la liste des Orphée du répertoire mais de rappeler cette vocation fondatrice du mythe, ainsi que sa plasticité et ceci dans la production même de Gluck. Car ayant en tête qu’Orphée était l’emblème de l’art lyrique, Gluck n’a pas hésité à en proposer, en douze ans, trois versions vocales sur deux livrets différents, permettant à des castrats de deux tessitures en Italie, ainsi qu’à des ténors, en France, d’interpréter le chantre. Le projet était européen.
Le 5 octobre 1762, Orfeo ed Euridice, sous-titré azione teatrale per la musica, est présenté au Burgtheater de Vienne. Le poème en trois actes est signé Raniero de’ Calzabigi, qui annonce une nouvelle formule où fusionnent les arts : « C’est avec un verre convexe qui réunit tous les rayons dans un seul point qu’il nous faut regarder les personnages par lesquels nous voulons émouvoir les passions ». Le retour à la Grèce antique et la simplicité revendiquée semblent illustrer les idées que développe alors Winckelmann sur le néoclassicisme.
Orfeo est interprété par le fameux castrat alto Gaetano Guadagni, la chorégraphie signée du maître de ballet Gasparo Angiolini. Pour le public, aucun doute : la réforme annoncée est d’autant plus fascinante qu’elle émane du trio qui a proposé l’année précédente un nouveau type de ballet, narratif : Don Juan ou le Festin de pierre. Quelques années plus tard, le rôle d’Orfeo est transposé pour un castrat soprano, ce qui assure à l’œuvre une large diffusion en Italie.
Entretemps, Charles-Simon Favart l’a montrée à ses amis parisiens. Correspondant du directeur du Burgtheater, il se plaît à mettre en relation les deux pays et a reçu Gluck une première fois. Gluck obtient d’être officiellement invité à donner Iphigénie en Aulide à l’Opéra. Avec la bénédiction de l’empereur des Romains et de sa sœur Marie-Antoinette, qui fut son élève, Gluck revient à Paris en 1774, l’année du couronnement de Louis XVI.
Juste après Iphigénie, Orphée et Eurydice est créé le 2 août – il n’y a pas alors de relâche estivale. Moline a réalisé la version française et Gluck a adapté la partition à l’orchestre et aux réquisits de l’Opéra (davantage d’airs et de danses), ainsi qu’à la vocalité du haute-contre Le Gros. Les Enfers, qui ont cédé à la voix séduisante du castrat, ne résisteront pas au chant éloquent du ténor français. L’œuvre enthousiasme les intellectuels comme la cour : la sensibilité et l’émotion, apanages de l’opéra-comique, font irruption dans le grand genre de l’opéra.
Orphée et Eurydice est joué jusqu’au 15 novembre sans discontinuer puis revient à l’affiche presque chaque année, associée à partir de 1777, en raison de sa brièveté, au Devin du village de Jean-Jacques Rousseau.
La Révolution congédie le répertoire de l’Ancien Régime mais conserve Gluck. De 1811 à 1831, ce titre désormais classique est régulièrement donné. Le ténor Louis Nourrit, père du fameux Adolphe, s’y distingue. C’est alors que Berlioz, enthousiaste, découvre l’œuvre, déformée par la routine et les erreurs de copie… Mais la décennie 1830 fragilise la place de Gluck dans la programmation : en pleine vogue rossinienne, Caroline Branchu, grande Iphigénie, prend sa retraite, et Nourrit meurt.
Restent les concerts, dont beaucoup dirigés par Berlioz, en France comme en Europe.
Une autre artiste défend Gluck en concert : la contralto Pauline Viardot, qui s’essaie d’abord à l’Eurydice française, puis qui ose aborder Orfeo en Allemagne, sur les conseils de Meyerbeer.
En 1859, à l’invitation du directeur du Théâtre-Lyrique, elle décide de programmer Orphée et Eurydice. Dans cette institution pleine d’audace, elle chantera le rôle masculin – les rôles travestis n’offrent-ils pas l’occasion de formidables compositions ? – à condition que Berlioz veuille bien adapter le rôle contralto italien à la partition française.
En 1854, Franz Liszt a monté Orfeo à Weimar en remplaçant son ouverture, pompeuse et hors sujet, par un poème symphonique de sa plume. Berlioz veut au contraire produire une version de référence, plus fidèle à Gluck que Gluck lui-même. Et il fait travailler Viardot avec, en tête, les inoubliables prestations de Caroline Branchu.
Immédiatement reprise à Londres, la version Berlioz est rapidement plébiscitée. Elle est remontée en 1896 à l’Opéra Comique (qu’a repris le directeur de 1859, Léon Carvalho). Orphée devient un pilier de la salle Favart, apanage des contraltos depuis Marie Delna, mais aussi des barytons à partir de la révision de la version italienne par Paul Vidal en 1921.
En 2018, le choix de la version Berlioz n’est pas seulement cohérent, et en accord avec cette histoire du rôle, que Marianne Crebassa marquera à son tour. Il permet aussi à Raphaël Pichon et Aurélien Bory de se rapprocher au plus près des intentions de Gluck en suivant les principes berlioziens. Les manuscrits de 1774 nous ont mis sur la voie de l’ouverture dont rêvait Gluck, et d’un dénouement plus évident. Au service de cette cohérence dramatique que Gluck a imposée à l’opéra européen.
Acte I
Nymphes et bergers se lamentent sur la tombe d’Eurydice, tandis que son époux répète son nom en gémissant. Il invoque son amour perdu, invective les dieux et envisage d’aller la rechercher aux Enfers.
Messager des dieux, Amour paraît pour annoncer à Orphée qu’il est autorisé à se rendre aux Enfers, au prix de deux épreuves. Il devra amadouer de son art musical les créatures infernales puis, sur le chemin du retour, s’abstenir de tout regard vers Eurydice, ainsi que de toute explication. L’espoir ranime le courage d’Orphée.
Acte II
L’effrayante entrée des Enfers est gardée par des spectres et des furies qui en barrent le passage. Mais Orphée les apaise progressivement par le chant de sa plainte, de sa prière, et par l’expression touchante de son amour. Il pénètre aux Enfers.
Acte III
Dans les Champs élyséens qui accueillent les héroïnes et les héros morts règne une félicité qui semble combler Eurydice. Ému par l’harmonie du lieu, Orphée ne peut cependant oublier sa douleur et réclame Eurydice aux ombres. On la lui amène et il saisit sa main.
Acte IV
Orphée et Eurydice avancent dans le labyrinthe qui mène hors des Enfers. Étonnée de revenir à la vie, Eurydice est vite frappée par l’attitude distante d’Orphée qui a lâché sa main. Elle lui quémande en vain un regard, puis refuse de le suivre davantage et défaille bientôt de douleur. Bourrelé de remords, Orphée se retourne vers elle. Eurydice meurt une seconde fois.
Direction musicale, Raphaël Pichon • Mise en scène et décors, Aurélien Bory • Avec Marianne Crebassa, Hélène Guilmette, Lea Desandre • Choeur et orchestre, Ensemble Pygmalion
Voir toute la distribution1h40 (sans entracte) - Salle Favart
135, 125, 97, 75, 50, 30, 16, 6 €
16 emplacements spécifiques sont accessibles aux personnes à mobilité réduite, sur réservation au guichet ou par téléphone. Ascenseur accessible par le 5 rue Favart.
01 70 23 01 44 | accessibilite@opera-comique.com
Avant le Spectacle
Les secrets du spectacle
45 min. avant chaque représentation :
Introduction au spectacle
Chantez Orphée et Eurydice avec Geneviève Boulestreau
Lundi 15 Octobre à 19h :
Rencontre avec les artistes de la production
Venez avec vos enfants
« Orphée à travers tous les arts » dimanche 14 octobre à 15h
L’Opéra Comique propose, en partenariat avec Little io, un atelier de découverte du mythe d’Orphée, destiné aux enfants de 6 à 12 ans. Cet atelier d’1h30 se tiendra en salle Bizet, pendant la représentation (groupe de 30 enfants maximum). Il est réservé aux enfants dont la famille aura acheté une place au moins pour la représentation du jour.
Tarif: 5€/enfant. Informations et réservations au 01 70 23 01 31 et au guichet.
Distribution
Danseurs / Circassiens :
Claire Carpentier, Elodie Chan, Yannis François, Tommy Entresangle, Margherita Mischitelli, Charlotte Siepiora
Chœur et orchestre :
Ensemble Pygmalion
Nouvelle production :
Opéra Comique
Coproduction :
Opéra de Lausanne, Opéra Royal de Wallonie, Théâtre de Caen, Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Opéra Royal de Versailles, Croatian National Theatre in Zagreb. Dans le cadre du partenariat Beijing Music Festival / Opéra Comique