Une savoureuse partition où s’invitent personnages pittoresques, apparitions magiques et coups de théâtre signés Jérôme Deschamps, sous la direction de Marc Mikowski.
Opéra-comique en cinq actes. Livret de Lucien Népoty. Créé à l’Opéra Comique le 15 mai 1914.
Fuyant une épouse acariâtre et mille autres dangers, un modeste savetier, Mârouf, est sauvé par son culot ainsi que par l’amour que lui porte la fille d’un sultan. Personnages pittoresques, scènes collectives, apparitions magiques et coups de théâtre se succèdent aux portes du désert.
Dans la France coloniale, le public fit un triomphe à Mârouf, savoureuse peinture musicale de l’Orient des sultans et des génies, composée par un contemporain de Ravel dont la « saine bonne humeur » séduisait Fauré. L’Opéra Comique connut son plus grand succès de l’entre-deux-guerres avec ces aventures picaresques, tirées des Mille et Une Nuits, et les exporta dans le monde entier.
Jérôme Deschamps reprend sa très inventive mise en scène de 2013 et Jean-Sébastien Bou le rôle-titre qu’il a marqué de son interprétation virtuose. Marc Minkowski, qui le programme à l’Opéra de Bordeaux, revient à l’Opéra Comique avec ce pilier trop longtemps oublié du répertoire.
Reprise de la production de 2013.
Au début du XXe siècle, les empires coloniaux atteignent leur expansion maximale et sont célébrés dans les expositions universelles et coloniales, tandis que la vogue orientaliste a gagné tous les arts. C’est alors que paraît, entre 1899 et 1904, dans La Revue blanche puis chez Fasquelle, une nouvelle version des Mille et Une Nuits. La traduction de Joseph-Charles Mardrus (1868-1949) enthousiasme le public. Poétique, drôle, coloré, le récit, présenté comme enfin intégral, est aussi plus érotique que la version d’Antoine Galland, réalisée au début du Siècle des Lumières.
Medium populaire d’une image de l’Orient, les Mille et Une Nuits ont inspiré la peinture, l’édition illustrée et le théâtre, depuis les spectacles forains de l’Opéra Comique naissant jusqu’aux opérettes de la Belle Époque, en passant par des ouvrages signés Grétry, Cherubini ou Boieldieu. Si le visuel a longtemps primé, le musical a été stimulé par les musiques turques jouées en Europe, puis par les témoignages des voyageurs partis plus loin ou ailleurs.
En 1910, Paris découvre Shéhérazade : la symphonie-ballet de Rimski-Korsakov, produite par les Ballets Russes, est dansée par Vaslav Nijinski dans des décors et des costumes de Bakst : les Mille et Une Nuits sont désormais apparentées à l’art moderne.
Un an plus tôt, Henri Rabaud, qui a donné en 1904 une tragédie à l’Opéra Comique, songe à aborder le registre comique. Son ami Lucien Népoty lui fait lire L’Histoire du Gâteau échevelé au miel d’abeilles, un conte découvert par Mardrus. Complice de Firmin Gémier au Théâtre-Antoine, Népoty a travaillé avec Rabaud aux Arènes de Béziers : « Vous êtes, lui écrit Rabaud, plus musicien que tous les compositeurs que je connais car tout ce que vous m'écrivez, c'est de la musique ». À Mârouf succèderont après-guerre un opéra et trois musiques de scène.
Après une décennie d’œuvres plutôt dramatiques, alors que la menace d’un conflit avec l’Allemagne se précise, la direction de l’Opéra Comique – Albert Carré puis Pierre-Barthélémy Gheusi et les frères Isola – veut produire du gai et du spectaculaire. Népoty évoque « ce palais de féerie qu’est l’Opéra-Comique ». Trois ans après la création de L’Heure espagnole de Ravel, Rabaud apparaît comme un homme de synthèse : admirant à la fois la Louise vériste de Charpentier et le Pelléas symboliste de Debussy, ce disciple de Saint-Saëns propose une comédie chantée tout du long, et non un opéra-comique traditionnel, d’un orientalisme de bon aloi, plus digeste et français que l’Orient barbare et sensuel des Russes. Le livret simplifie l’intrigue originale, en supprimant entre autres l’anneau magique qui aurait évoqué Wagner, et exploite le ressort principal du conte, le « bluff » monté par Mârouf et son ami Ali. Ce terme relatif au jeu de poker commençait à entrer dans le vocabulaire militaire. Le succès de Mârouf en répand l’usage courant.
La création a lieu le 15 mai 1914 sous la baguette de François Ruhlmann. À 45 ans, le créateur de Pelléas, le baryton Jean Périer, interprète le rôle-titre, au côté de Marthe Davelli en Saamcheddine et de Félix Vieuille, le créateur d’Arkel, chanteur « voué aux longues barbes ». Les cinq tableaux sont mis en scène par Pierre Chéreau et Gheusi, de façon « charmante et parfaite » dixit Reynaldo Hahn, dans des décors de Jusseaume et des costumes de Multzer, avec des ballets réglés par Mariquita. Florent Schmitt applaudit « l’un des plus intéressants spectacles que l’Opéra-Comique ait montés depuis longtemps » et Xavier Leroux loue sa « philosophie souriante ». Quant à la partition, elle satisfait le nationalisme ambiant : « cette œuvre va prouver à tous et partout que l’on écrit encore chez nous de la bonne, de la vraie musique française » (Le Petit Journal).
L’œuvre est reprise chaque année jusqu’en 1917 avec Périer. Lui succèdent les ténors Thomas Salignac et Fernand Francell, puis le baryton André-Gaston Baugé. À partir de 1923, Mârouf pâtit de la comparaison avec Le Hulla, nouvel ouvrage « oriental » signé Marcel Samuel-Rousseau. Rabaud ayant dirigé l’orchestre de l’Opéra pendant une dizaine de saisons, il négocie avec son directeur Jacques Rouché pour y faire passer l’œuvre. Au terme d’un conflit où intervient la Société des Auteurs, la Salle Favart abandonne Mârouf en 1927 après 129 levers de rideau. La « seconde première » parisienne de Mârouf a lieu le 21 juin 1928 au Palais Garnier, sous la baguette du compositeur, avec Georges Thill et Fanny Heldy. L’œuvre y est jouée jusqu’en 1950 pour un total de 116 représentations.
Entretemps, Mârouf a voyagé en province à partir sa création rouennaise en 1919, et à l’étranger à partir de sa première new-yorkaise en 1917, au Metropolitan Opera sous la baguette de Pierre Monteux). L’Europe, les deux Amériques et l’Égypte (Le Caire en 1926) l’applaudissent jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, où ses représentations susciteront de nombreuses manifestations francophiles. Indice de sa notoriété, Rabaud est sollicité en 1929 pour son adaptation en film muet accompagné d’un orchestre de cinéma, un projet qu’il refuse par attachement aux paroles.
En 2018, l’Opéra Comique dirigé par Olivier Mantei a choisi de reprendre le Mârouf de 2013, signé Jérôme Deschamps, et remonte ce spectacle avec l’Opéra de Bordeaux, sous la baguette de Marc Minkowski.
Direction musicale, Marc Minkowski • Mise en scène, Jérôme Deschamps • Avec Jean-Sébastien Bou, Vannina Santoni, Jean Teitgen, Franck Leguérinel, Lionel Peintre, Aurélia Legay, Valerio Contaldo, Luc Bertin-Hugault, Yu Shao • Choeur de l’Opéra National de Bordeaux • Orchestre National Bordeaux Aquitaine
Voir toute la distribution3h (entracte inclus) - Salle Favart
135, 125, 97, 75, 50, 30, 16, 6 €
16 emplacements spécifiques sont accessibles aux personnes à mobilité réduite, sur réservation au guichet ou par téléphone. Ascenseur accessible par le 5 rue Favart.
01 70 23 01 44 | accessibilite@opera-comique.com
Avant le spectacle
Introduction au spectacle
Agnès Terrier, la dramaturge du théâtre vous dit en 15 minutes tout ce qu’il faut savoir sur l'œuvre et le contexte de sa création.
Chantez Mârouf
Rendez-vous décomplexé avec un chef de chœur pour découvrir en chantant quelques airs de l’opéra que vous vous apprêtez à voir !
Rencontrez les artistes
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Distribution
Danseurs :
Julie Amesz, Hélène Beilvaire, Mélissa Blanc, Cécile Caro, Maya Kawatake, Marlène Rabinel, Casia Vengoechea, Candide Sauvaux, Thomas Michaux, Louis-Clément Da Costa
Choeur :
Chœur de l’Opéra National de Bordeaux
Orchestre :
Orchestre National Bordeaux Aquitaine
Production :
Opéra Comique. Reprise de la production de 2013 / Reprise en coproduction avec l’Opéra National de Bordeaux