Représentations
Mélodrame en cinq scènes, créé le 1er mai 1775 à Leipzig (Allemagne). Musique de Jiří Antonín Benda dit Georg Anton Benda, version de la partition de 1784 adaptée pour piano 4 mains par Sammy El Ghadab. Livret de Friedrich Wilhelm Gotter, traduit de l’allemand par Laurent Muhleisen
Dialogue orageux entre texte et musique, ce mélodrame de Georg Anton Benda donne la parole à Médée, héroïne exilée et répudiée dont la vengeance sera sans limites. Les artistes de l’Académie de l’Opéra-Comique présentent avec Sylvia Bergé une nouvelle version de cette œuvre qui procura le plus « grand plaisir » à Mozart.
Ce que propose le violoniste et compositeur d’origine tchèque Georg Anton Benda (1722-1795) avec Médée en 1775, comme avec son précédent mélodrame Ariadne auf Naxos, est un genre nouveau de spectacle mêlant déclamation et musique. De passage à Mannheim en 1778, Mozart assiste à deux représentations de Médée qui lui font forte impression : dans une lettre à son père, le compositeur affirme que « Benda, parmi les maîtres de chapelle luthériens, a toujours été [s]on préféré ». Il évoque le « magnifique effet » produit par l’alliance entre le texte récité et les passages instrumentaux.
Dès sa création à Leipzig par la troupe de théâtre dirigée par Abel Seyler, Médée s’impose comme un modèle du genre. Son succès doit beaucoup à l’actrice Friederike Sophie Seyler, qui déclame le rôle de Médée. Surnommée « la Clairon allemande », en référence à Mlle Clairon, tragédienne de la Comédie-Française, elle traduit en mots et en gestes les émotions contradictoires que traverse son personnage, avec la plus grande expressivité.
Le poète allemand Friedrich Wilhelm Gotter (1746-1797) s’inspire de la tragédie grecque d’Euripide pour dépeindre Médée en mère infanticide, figure de femme criminelle qui sacrifie ses enfants dans un excès de vengeance. C’est ce même épisode du mythe de Médée qui inspirera François-Benoît Hoffman pour la Médée de Cherubini créée à Paris en 1797.
Pour ce concert proposé en Pléiade de notre production de 2025, les artistes de l’Académie de l’Opéra-Comique revisitent Médée dans une nouvelle traduction française signée Laurent Muhleisen, et entourent Sylvia Bergé, actrice de la Comédie-Française qui s’empare du rôle-titre dans toute sa virtuosité.
La scène est à Corinthe, devant le palais où le héros Jason et la princesse Créuse s’apprêtent à célébrer leur union. Médée, magicienne qui a par le passé fait bien des sacrifices pour aider Jason à conquérir la Toison d’or, descend des nuages sur son char pour exprimer sa fureur après qu’il l’a répudiée pour épouser Créuse, l’obligeant à se séparer de ses deux enfants. S’estimant trahie, elle invoque tour à tour Junon, déesse du mariage, Hécate, déesse de la nuit, et les Euménides, divinités vengeresses, les priant de la seconder dans la réalisation de ses projets meurtriers. Désespérée à l’idée que ses enfants l’oublient et qu’ils soient avilis par l’esclavage, elle commet l’impensable pour conjurer le sort qui est le sien. Jason, découvrant les cadavres de ses fils, souhaite les rejoindre dans la mort, tandis que Médée disparaît, triomphante.
Avec Sylvia Bergé de la Comédie-Française Médée et les artistes de l’Académie de l’Opéra-Comique
Vincent Guérin Jason • Flore Royer La nourrice • Michèle Bréant Un enfant • Fanny Soyer Un enfant
Ayano Kamei et Flore-Élise Capelier Pianistes
Durée : 50 min
Tarif : 25€
Salle Bizet
16 emplacements spécifiques sont accessibles aux personnes à mobilité réduite, sur réservation au guichet ou par téléphone. Ascenseur accessible par le 5 rue Favart.
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L'Académie de l’Opéra-Comique
Acteur majeur de la création lyrique depuis plus de trois siècles, l’Opéra-Comique ouvre en 2023 une Académie à destination des nouvelles générations d’interprètes.
Elle a vocation à promouvoir le genre opéra‑comique et son art spécifique de l’interprétation au plus près des textes et du jeu scénique. Elle se veut donc pôle d’excellence artistique autour du chant français et de l’art du parlé-chanté. L’Académie vise aussi à faire émerger et à accompagner les jeunes artistes francophones en les encourageant à développer de nouveaux regards sur l’art lyrique et sur sa vitalité.
Les métiers de la dramaturgie et du costume sont appelés à rejoindre ce projet.
Les clés de l'oeuvre
Le genre du mélodrame
Aujourd’hui, le terme « mélodrame » fait généralement référence aux intrigues à sensations fortes représentées dans les théâtres du Boulevard du Crime au XIXe siècle, inspirées de faits divers et popularisées par le dramaturge Pixerécourt. Mais le mélodrame désigne d’abord un genre musical développé outre-Rhin à la fin du XVIIIe siècle, à une époque où l’Allemagne n’a pas encore de véritable tradition opératique.
En 1762 en France, Rousseau a expérimenté avec sa scène lyrique Pygmalion une nouvelle forme d’alliance entre paroles et musique, le « récitatif obligé », qu’il théorise dans son Dictionnaire de musique : « L’acteur, agité, transporté d’une passion qui ne lui permet pas de tout dire, s’interrompt, s’arrête, fait des réticences, durant lesquelles l’orchestre parle pour lui, et ces silences ainsi remplis affectent infiniment plus l’auditeur que si l’acteur disait lui-même tout ce que la musique fait entendre. » Des compositeurs tels que Benda font ensuite évoluer le genre, qui prend le nom de mélodrame et connaît une forte popularité en Allemagne.
Si le mélodrame peut sembler proche du singspiel, autre genre allemand qui repose sur l’alternance entre dialogues parlés et airs chantés, il s’en distingue par l’absence de voix lyriques : le texte est déclamé, et c’est à l’orchestre seul qu’il revient de charger les paroles en émotions musicales. Néanmoins, ces distinctions restent souples, car si Mozart n’a jamais mené à bien son projet de mélodrame Sémiramis d’après la tragédie de Voltaire, il a, comme Benda, composé des singspiels dans lesquels certains passages relèvent du mélodrame. C’est le cas de Zaïde, composé en 1780 et resté inachevé. Au XIXe siècle, Beethoven s’approprie à son tour le mélodrame, par exemple avec la dernière scène d’Egmont (1810) dans laquelle le texte de Goethe est récité. Le mélodrame est donc un terrain d’expérimentations pour les compositeurs allemands, donnant lieu à des partitions émancipatrices pour l’orchestre, qui prend peu à peu des proportions symphoniques.
L’amour filial à l’épreuve de la vengeance
« Oh ! mes enfants ! Pauvres de vous, abandonnés, dignes d’un meilleur père, d’une mère plus heureuse ! » (Scène 2)
Sous la forme de longs monologues introspectifs, interrompus par de courts échanges entre Médée, ses enfants et leur préceptrice, et ponctués par le dialogue final avec Jason, le mélodrame de Benda donne accès à l’intériorité de l’héroïne. Chose rare par rapport à d’autres versions théâtrales et lyriques du mythe de Médée, les deux enfants ont des rôles parlés. L’amour filial devient un enjeu crucial qui cristallise les relations entre adultes : alors que Médée soupçonne Jason de ne pas aimer leurs enfants autant qu’elle, et refuse d’envisager que Créuse puisse s’occuper de ses fils, les enfants eux-mêmes s’interrogent sur l’amour que leur porte leur mère. Si au début de l’œuvre Médée exprime son malheur d’être une « mère sans enfants » puisque Jason lui a ravi leurs fils, en surmontant l’offense par le crime, elle se retrouve véritablement privée d’eux, et les reconnaît comme victimes innocentes.
Les Pléiades
Autour du spectacle
Chaque production lyrique est accompagnée de « Pléiades » qui prolongent et enrichissent le contenu des œuvres à l'affiche.