Hercule amoureux ou la force alliée à la séduction. Valérie Lesort et Christian Hecq s’emparent de l’oeuvre créée pour Louis XIV, avec la fraîcheur et la fantaisie qui ont fait le succès de leur Domino noir en 2018.
Hercule amoureux : en 1662, un tel titre, flatteur pour un jeune monarque, reflétait moins la réalité qu’il ne proposait à tous une préfiguration optimiste de son règne.
Ercole amante, c’était en effet le cadeau de noces qu’offrait le cardinal Mazarin à son roi Louis XIV. En 1659, celui-ci avait accepté de s’unir à l’infante d’Espagne afin de sceller la paix entre les deux monarchies, Bourbon et Habsbourg, après vingt-cinq ans de guerre. Mazarin le diplomate triomphait en mariant ces héritiers que tout séparait, hormis l’âge, 21 ans, et le fait qu’ils étaient doublement cousins. Que Louis XIV sacrifiât ses amours (pour une nièce de Mazarin) à la raison d’État méritait une récompense : un spectacle somptueux, qui le mît en scène sous les traits du héros irrésistible auquel, avant lui, son père Louis XIII et son grand-père Henri IV avaient aimé être comparés. Variante fort éloignée de l’Hercule furieux d’Euripide, l’Hercule gaulois était une invention de la Renaissance française : un ancêtre que caractérisaient l’éloquence et la volonté d’atteindre la perfection à travers les épreuves, un demi-dieu que Ronsard avait même comparé à Jésus dans son Hercule chrétien.
Hercule avait inspiré statues, arcs de triomphe, entrées royales... Quoi de mieux, à l’orée de ce nouveau règne, qu’un spectacle rassemblant tous les arts, dans le palais des Tuileries restauré par Le Vau ?
L’opera était alors une formule italienne. Le livret d’Ercole amante fut confié à un spécialiste du genre, fin connaisseur du contexte monarchique français : l’abbé Francesco Buti. Le meilleur architecte de théâtre, Gaspare Vigarani, fut recruté pour édifier une salle dotée d’une machinerie ambitieuse. Puis Mazarin invita à Paris le plus fameux musicien vivant : le Vénitien Cavalli. Avec lui furent conviés des interprètes italiens, castrats en tête. Mais les vingt mois qui s’écoulèrent du 7 juin 1660 au 2 février 1662, des noces royales à Saint-Jean-de-Luz (et de l’arrivée de Cavalli à Paris) à la création d’Ercole amante aux Tuileries, transformèrent le contexte pour lequel l’opéra avait été prévu...Non que Louis XIV eût cessé d’être un Hercule en puissance, ou un amoureux – au contraire !
Le chantier de la salle prenait du retard. Le 9 mars 1661 mourut Mazarin, et avec lui le protecteur des Italiens à la cour de France. Louis XIV prit la tête de son gouvernement, prêt à devenir « le plus grand roi du monde » que chanterait un jour Lully. Son union avec Marie-Thérèse, couronnée par la naissance du dauphin le 1er novembre1661, n’avait plus rien d’une idylle. Il s’apprêtait, au grand effroi de Bossuet, à faire de Louise de La Vallière sa favorite. Enfin, Lully, l’ambitieux compositeur officiel fraîchement naturalisé, imposait la mode des ballets de cour et rendait incontournables ces grands spectacles participatifs, centrés sur le roi danseur.
Pour être représenté, Ercole amante fut donc inséré dans un cadre plus vaste, un « Grand Ballet du Roi » dont les 18 parties, dites « entrées de ballet », étaient signées Lully et glorifiait la Maison de France avec force allégories.
Cavalli s’était déjà plié à l’exercice en novembre 1660, transformant au Louvre son Serse vénitien en Xerxès. Mais le ballet de 1662 prit autour d’Ercole des proportions gigantesques, pour remplir la « Salle des Machines », comme on appelait déjà le théâtre des Tuileries. En faisant danser au roi les rôles de la Maison de France, de Pluton, de Mars et du Soleil, parmi une cinquantaine d’aristocrates, Lully attirait l’attention sur son propre travail, au détriment de l’opéra. Certes, les spectateurs disposaient de la traduction du livret – à la poésie maniériste et à l’intrigue compliquée. Mais la salle, conçue pour valoriser la machinerie et les danses, réservait une acoustique désast reuse aux 16 chanteurs (interprétant 22 personnages), menés par la basse Vicenzo Piccini, la soprano Hilaire Dupuis et les castrats Antonio Rivani et Giuseppe Melone, respectivement Hercule, Vénus (l’amour), Junon (la raison) et Diane (la Lune).
Le spectacle fut rejoué seize fois, vite ramené de six à cinq heures… grâce à des coupes dans la musique de Cavalli. Le dénouement de l’opéra, annoncé par le prologue politique, restait celui dicté par Mazarin : Hercule s’y dépouille des faiblesses humaines et épouse un destin supérieur. Mais avec la complicité de Lully, un grand ballet concluait ensuite la soirée dans un tout autre esprit : on y voyait les Heures et les Étoiles danser autour du Soleil, interprété par Louis XIV. La propagande du nouveau règne évinçait Hercule au profit d’Apollon…
Cavalli quitta Paris alourdi par son échec. Il avait eu le temps et les moyens de faire un chef-d’oeuvre. Hélas, aucun théâtre vénitien ne pouvait rassembler une distribution aussi splendide, un choeur et un orchestre aussi complets qu’à Paris. Jamais Ercole ne fut repris. Lully, qui savait dès lors comment faire de l’opéra, se hâta d’en effacer la mémoire. Onze ans plus tard, il allait qualifier son premier opéra de « tragédie en musique », dissimulant toute
inspiration italienne.
Jamais rejoué à Paris, sinon en 1981 au Châtelet, sous la direction de Michel Corboz et dans une mise en scène de Jean-Louis Martinoty, Ercole amante est pourtant le plus français des opéras vénitiens. Jalon dans l’avènement de l’art lyrique en France, chef-d’oeuvre baroque, nous le jouons pour ce qu’il est : un drame mouvementé et spectaculaire, confié à Valérie Lesort et Christian Hecq, une prodigieuse partition, ressuscitée par Raphaël Pichon à la tête de l ’ensemble Pygmalion, qui l’interprète sur instruments d’époque.
Prologue
Diane (la Lune) célèbre les rois de France, Louis XIV qui s’unit à Marie-Thérèse, et la reine-mère Anne d’Autriche. La paix franco-espagnole fera le bonheur de la France.
Acte I
Hercule, vainqueur de tant de monstres, est terrassé par son amour pour Iole, la fiancée de son propre fils Hyllus. Vénus lui promet de faire céder Iole. Mais Junon s’emporte car Hercule, déjà marié à Déjanire, a tué le père d’Iole.
Acte II
Iole et Hyllus échangent des serments d’amour, mais Hercule convoque Iole. Le page d’Hercule se demande ce qu’est l’amour. Lychas, le serviteur de Déjanire, le fait parler. On apprend ainsi que le père d’Iole, Eurytus, est mort pour avoir préféré unir sa fille à Hyllus plutôt qu’Hercule. Déjanire redoute d’être proscrite. Junon obtient de Pasithée l’aide de son puissant époux, le Sommeil.
Acte III
Vénus donne à Hercule un siège magique qui envoutera Iole et la livrera au héros amoureux. Le sortilège opère, au désespoir d’Hyllus que chasse son père. Mais le Sommeil endort Hercule. Junon arme Iole pour tuer le héros, mais Hyllus s’interpose. À son réveil, Hercule se méprend à la vue de son fils armé. Il le condamne à la détention et exile Déjanire.
Acte IV
Hyllus prisonnier reçoit un message d’Iole : elle se sacrifie pour le sauver de la mort. Il veut mourir mais Neptune le secourt. Dans une nécropole, Déjanire veut s’ensevelir. Survient un cortège funèbre : Iole invoque son père défunt et le prie de lui pardonner d’épouser son assassin. Lychas suggère aux deux femmes de recourir à la tunique enduite du sang du centaure Nessus, présenté jadis à Déjanire comme un philtre d’amour.
Acte V
Aux enfers, Eurytus rassemble les ombres des victimes d’Hercule. Pendant ce temps, Hercule s’apprête à épouser Iole. Elle lui offre la tunique. Aussitôt l’a-t-il revêtue qu’elle l’embrase, puis le tue. Déjanire et Hyllus se retrouvent pour pleurer le héros. Junon fait alors paraître Hercule, désormais immortel et uni à la Beauté.
Agnès Terrier
Direction musicale, Raphaël Pichon • Mise en scène, Valérie Lesort et Christian Hecq • Avec Nahuel di Pierro, Anna Bonitatibus, Giuseppina Bridelli, Francesca Aspromonte, Krystian Adam, Eugénie Lefebvre, Giulia Semenzato, Luca Tittoto, Ray Chenez, Dominique Visse • Choeur et Orchestre, Pygmalion
Voir toute la distribution3h30 (entracte inclus) - Salle Favart
138, 122, 97, 75, 50, 34, 16, 6 €
Spectacle en italien, surtitré en français et en anglais
Chaque année, des opéras sont accessibles en audiodescription. Des programmes en braille et en gros caractères sont disponibles gratuitement sur place. Un dispositif de « Souffleurs d’images » est aussi disponible sur demande.
16 emplacements spécifiques sont accessibles aux personnes à mobilité réduite, sur réservation au guichet ou par téléphone. Ascenseur accessible par le 5 rue Favart.
01 70 23 01 44 | accessibilite@opera-comique.com
Des représentations inclusives et accueillantes pour les personnes avec autisme, polyhandicap, handicap mental ou psychique, maladie d’Alzheimer…
Distribution
Prima Grazia Marie Planinsek
Seconda Grazia, Primo Pianeta Perrine Devillers
Terzo Pianeta Corinne Bahuaud
Prima Aura Olivier Coiffet
Seconda Aura, un Sacrificatore Renaud Brès
Ruscello, Busiride, un Sacrificatore Nicolas Brooymans
Un Sacrificatore Constantin Goubet
Membres de Pygmalion
Danseurs Anna Beghelli, Rémi Boissy, Leslie Dzierla, Mikaël Fau, Florence Peyrard
Nouvelle production
Opéra Comique
Coproduction
Château de Versailles Spectacles, Opéra National de Bordeaux
Remerciements Centre de musique baroque de Versailles, Collaboration scientifique de Barbara Nestola, CNRS-CESR/CMBV
Compositions et orchestration Miguel Henry & Raphaël Pichon © Edition Nicolas Sceaux - Pygmalion - Tous droits réservés
Dimanche 10 novembre à 15h
Les dimanches Relax proposent un cadre accueillant et rassurant aux personnes avec autisme, polyhandicap, handicap mental ou psychique, maladie d’Alzheimer, ainsi qu’aux parents avec de jeunes enfants.
Plus d'informations au 01 70 23 01 44
Autour du spectacle
Avant le spectacle
Introduction au spectacle par Agnès Terrier, salle Bizet
Chantez les airs du spectacle, Foyer Favart
- Aurélie Reybier : 4, 8 Novembre 2019
- Geneviève Boulestreau : 6, 10, 12 Novembre 2019
45 min avant chaque représentation | Entrée libre sur présentation du billet de spectacle
Un atelier pour les enfants des spectateurs
« Hercule à travers tous les arts » pendant la représentation du dimanche 10 novembre à 15h
Atelier de découverte du mythe d’Hercule, proposé en partenariat avec Little io. Enfants de 6 à 12 ans.
Réservé aux enfants dont la famille a acheté au moins 1 place pour Ercole Amante le 10 novembre.
Au programme : atelier sur le mythe d’Hercule, goûter, atelier manuel autour de la maquette du spectacle.
Tarif 15€ / enfant | Réservations au 01 70 23 01 31
Les tournées
Opéra Royal de Versailles 22, 24 novembre 2019