Joël Pommerat et Francesco Filidei créent pour la première fois un opéra à quatre mains. Une oeuvre sensible et intense, inspirée d’une nouvelle de Zamiatine sur le délitement de la famille.
Opéra en deux actes, inspiré du texte éponyme d'Evgueni Zamiatine.
Commande de l'Opéra Comique avec l'aide à l'écriture du Ministère de la Culture.
Parce qu’ils ne peuvent pas avoir d’enfant, deux époux finissent par adopter une orpheline. L’adolescente se fait une place imprévue dans leur foyer et dans leurs coeurs.
Dans ce faubourg de Saint-Pétersbourg, la parole entre les époux s'est raréfiée et les silences deviennent pesants. Le monde que la femme s’est construit pour surmonter la tristesse de sa vie affective va se dérégler tandis qu’en cette fin d’hiver montent les eaux du fleuve.
À l’invitation de l’Opéra Comique, Joël Pommerat écrit pour la première fois un livret d’opéra original, et il a choisi pour sujet cette nouvelle d’Evgueni Zamiatine, publiée en 1929. L’écrivain de plateau partage avec le compositeur Francesco Filidei, dont c’est le deuxième opéra, l’élaboration du discours et du temps du spectacle. De leur collaboration étroite, de cette composition menée à deux pour la scène, en complicité avec musiciens et chanteurs, naît une nouvelle éloquence qui traduit la densité sourde d’une vie intérieure.
Leur partition de sons, d’images et de silences est mise en scène par Joël Pommerat, et dirigée par Emilio Pomárico à la tête de chanteurs-acteurs intenses et habités.
Il était une fois une femme, aimant un homme, aimée de lui, mais sans enfant. Dans leur petit appartement au bord du fleuve, la vie semble tourner au ralenti, comme les machines de l’usine à côté, silencieuse, immobile, traversée par les vents d’automne et l’agitation des voisins alentours.
Une nuit pluvieuse, la jeune fille du dernier étage, dont le père vient de mourir, est amenée chez eux. L’homme et la femme décident de la garder.
La vie reprend. Arrive le printemps, des liens se nouent entre l’homme et la jeune fille, de plus en plus proches. La femme reste en retrait, délaissée, muette face à cette intimité rivale qui s’installe au quotidien. La résignation, la jalousie, le ressentiment, passions tragiques d’une Médée ou d’une Hermione ici privées de mots, l’entraînent au bord du gouffre.
Un jour de crue, la femme se laisse déborder par ses émotions. Une inondation dévaste leur appartement.
Hébergés quelques semaines par la famille du deuxième étage, chacun retrouve sa place. La nuit, l’homme et la femme sont à nouveau réunis, sur un divan au salon, tandis que la jeune fille partage la chambre des enfants.
Le jour où ils regagnent leur appartement, la jeune fille disparaît. Trois mois plus tard, la femme découvre qu’elle est enceinte.
L’enquête pour disparition n’est pas prolongée, la vie reprend, malgré les mauvais rêves et la tempête intérieure de la femme. Une petite fille naît. L’homme et la femme sont heureux.
Mais la vie, pour Zamiatine comme pour Pommerat, n’est pas un conte de fées. Hantée par le souvenir de la jeune fille, la femme sombre dans un délire fiévreux et prend, enfin, la parole, une parole qui libère, lui fût-elle fatale…
Marion Boudier
Plus qu’un théâtre de création, l’Opéra Comique est historiquement un théâtre d’expérimentation, lieu d’une rencontre féconde entre musique et littérature dramatique. Si l’opéra visait à l’harmonie de ses composantes, l’opéra-comique était par définition hétérogène, combinant le rire et l’émotion, la trivialité et la poésie. C’est donc aussi à l’Opéra Comique que, dès la fin du XIXe siècle, les artistes explorèrent des solutions de convergence entre les arts, en renouvelant leur écriture et leurs rapports à la fiction, à la matérialité du plateau, au public.
Ces dernières décennies, les créateurs d’opéra contemporains affichent une volonté supplémentaire : faire de ce qui se vit autour de la fosse d’orchestre une expérience collective.
Quoi de plus efficace alors qu’une démarche artistique qui, dès la conception du spectacle, mobilise auteurs, interprètes et personnels du théâtre dans un même questionnement ?
Ce n’est pas la seule originalité de L’Inondation. Cet opéra a d’abord été le projet d’un écrivain. Depuis une dizaine d’années, Olivier Mantei et Joël Pommerat échangeaient sur le théâtre et l’opéra, sur leurs temporalités propres, devenues progressivement inconciliables. Car aujourd’hui, l’opéra est soumis à des contraintes rigoureuses de planning et de budget, tandis que le théâtre sait s’accorder le temps long du work in progress, voire, dans le cas de Pommerat, de l’écriture au plateau.
N’y a-t-il pas intérêt, pourtant, à faire bénéficier l’opéra de la dynamique du théâtre, de sa liberté de chercher, d’expérimenter ? Au fil des belles productions lyriques pour lesquels Pommerat a, ces dernières années, adapté trois de ses pièces, est née une certitude : il lui fallait écrire un livret original, aborder une écriture qui génère sa propre nécessité de musique.
Une fois l’idée acquise s’est dessiné le portrait d’un compositeur dont le langage concilierait une écriture contemporaine et complexe avec une nature profondément dramatique. Un musicien porté à caractériser des personnages, à développer une narration, à générer des tensions émotionnelles. Passionné d’opéra, Francesco Filidei souhaitait aussi se confronter à l’écriture théâtrale.
L’ensemble du processus de création a donc pu être repensé avec eux, au moment même du choix de la nouvelle de Zamiatine comme sujet. L’Opéra Comique s’est mobilisé pour transformer ses modes de production habituels, adaptés au répertoire, afin d’épouser leur dynamique créative, le temps de la recherche, de l’expérimentation, de l’interaction et de la maturation littéraire, sonore, scénique.
L’écriture est née d’un temps partagé par l’auteur et le compositeur, régulièrement élargi à des interprètes. Le duo créatif a ainsi généré l’œuvre d’un point de vue commun. L’enregistrement de la partition, réalisé un an avant la première pour faciliter le travail du metteur en scène, a permis aux interprètes d’aborder le travail scénique avec la liberté d’un apprentissage musical achevé. Enfin, tous ont bénéficié d’un temps de plateau plus long que d’habitude, afin que la fonction dramaturgique du décor soit pleinement exploitée dans l’écriture de la mise en scène.
De janvier 2017 à septembre 2019, l’Opéra Comique a ainsi, collectivement, pris le temps de l’inspiration, de la réflexion et de l’échange, et relevé le défi d’une nouvelle façon de créer l’opéra. Nouvelle œuvre originale signée Pommerat et Filidei, L’Inondation inaugure aussi de nouvelles connivences entre opéra et théâtre.
Par Agnès Terrier
Direction musicale, Emilio Pomárico • Mise en scène, Joël Pommerat • Avec Chloé Briot, Boris Grappe, Norma Nahoun, Cypriane Gardin, Enguerrand de Hys, Yael Raanan-Vandor, Guilhem Terrail, Vincent Le Texier, des enfants de la Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique • Orchestre Philharmonique de Radio France
Voir toute la distribution2h (sans entracte) - Salle Favart
90, 75, 65, 50, 30, 25, 12, 6 €
Spectacle en français, surtitré en français et en anglais
Certaines scènes de ce spectacle peuvent heurter la sensibilité du public et en particulier des plus jeunes.
16 emplacements spécifiques sont accessibles aux personnes à mobilité réduite, sur réservation au guichet ou par téléphone. Ascenseur accessible par le 5 rue Favart.
01 70 23 01 44 | accessibilite@opera-comique.com
Avant Spectacle
Rencontrez les créateurs
Avec Joël Pommerat et Francesco Filidei.
Le samedi 14 septembre à 18h
Les clés du spectacle
Agnès Terrier, la dramaturge du théâtre vous dit en 15 minutes tout ce qu’il faut savoir sur l'œuvre et le contexte de sa création.
Chantez les airs de l'opéra
Rendez-vous décomplexé avec un chef de chœur pour découvrir en chantant quelques airs de l’opéra que vous vous apprêtez à voir !
Distribution
Enfants :
Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique : Colin Renoir-Buisson et Mona Lebas (27 septembre, 1er octobre), Tiago Lucet-Remy et Lisa Rugraff (29 septembre, 3 octobre)
Figurants :
Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique : Elliot Appel, Enzo Bishop (27 septembre, 1er octobre), Julius Lombard Lavallée, Esteban Ratel (29 septembre, 3 octobre), Arthur Roussel, Mateo Vincent Denoble
Orchestre :
Orchestre Philharmonique de Radio France
Nouvelle production :
Opéra Comique
Coproduction :
Angers Nantes Opéra, Opéra de Rennes, Théâtres de la Ville de Luxembourg, Théâtre de Caen, Opéra de Limoges