Michel Fau nous fait redécouvrir un ouvrage emblématique de l’Opéra Comique, joué pour la première fois à Paris depuis 1894. Une éblouissante comédie, avec le plus français des ténors américains, Michael Spyres.
Opéra-comique de Adolphe Adam en 3 actes sur un livret d’Adolphe de Leuven et Léon-Lévy Brunswick.Créé à l'Opéra Comique en 1836
Le jour de ses noces avec une jeune aubergiste de Lonjumeau, le postillon Chapelou est repéré par le directeur de l’Opéra qui l’engage comme soliste et l'emmène à Paris. Mais Madeleine entend récupérer son mari…
Est-ce le récit d'une ascension sociale sous l’Ancien Régime ? Ou bien un hommage souriant du XIXe siècle industriel au XVIIIe siècle galant ? Ou encore l’aventure d'un séducteur pris à son propre jeu ? C'est tout cela et bien plus, c’est le triomphe du chant : celui de Chapelou avec son air au contre-ré décisif, celui de Madeleine aux étourdissantes métamorphoses vocales.
L’ouvrage mythique d’Adolphe Adam retrouve l'Opéra Comique qui l'a vu naître : il enflamma durablement l'Europe mais n’avait plus été joué dans nos murs depuis 1894.
Il faut le talent et l’humour de Michael Spyres pour incarner ce héros aussi vaniteux que séduisant, l’entrain de Sébastien Rouland pour déployer cette partition signée du maître du ballet romantique, et la subtilité de Michel Fau pour rendre justice, après Ciboulette, à toutes les facettes de cette éblouissante comédie.
Acte I
Ville relai entre Paris et Orléans, Lonjumeau fête les noces du plus fringant de ses postillons, Chapelou, avec la jeune aubergiste Madeleine. Pour lui, elle renonce à l'héritage d'une riche tante ; pour elle, il abandonne sa vie de séducteur. Pourtant, à l’une comme à l’autre, on a prédit que le mariage serait malheureux... L'arrivée d'un voyageur pressé fait tout basculer : c’est le marquis de Corcy, surintendant de l'Opéra. À la recherche d’un ténor sur l’ordre exprès de Louis XV, il est enthousiasmé par la voix naturelle de Chapelou. Le postillon cède vite aux sirènes de la gloire et abandonne Madeleine sans grand scrupule. Il entraîne dans son sillage Biju, le forgeron qu’elle avait éconduit pour lui.
Acte II
Dix ans plus tard, Madeleine a hérité de sa tante et refait sa vie sous le nom de Mme de Latour. Courtisée par le marquis de Corcy, elle a préféré séduire, du fond de sa loge à l'Opéra, le fameux ténor Saint-Phar – qui n'est autre que Chapelou, incapable de la reconnaître. À l'occasion du séjour chez elle de la troupe lyrique, venue lui interpréter un hommage composé par Corcy, Mme de Latour piège Saint-Phar. Elle accepte de lui accorder ses faveurs mais, pour préserver son honneur, pose une condition : qu'il l'épouse. Saint-Phar croit pouvoir organiser une parodie de mariage. Mais avertie par le marquis jaloux, Mme de Latour substitue au faux prêtre un authentique chapelain.
Acte III
La "nuit de noce" vire au cauchemar pour Saint-Phar. Biju lui révèle que le sacrement est avéré, ce qui fait de lui un bigame passible de la pendaison. Puis paraît une nouvelle servante au service de Mme de Latour : c'est Madeleine qui lui demande des comptes – tandis que dans l'obscurité qui gagne le château, sa nouvelle épouse fait l'outragée. Enfin, Corcy paraît avec des gardes pour appréhender le libertin. Chapelou est sauvé in extremis par Madeleine et Mme Latour, qui parlent désormais d’une seule voix. Confondu et repentant, il n’en est que plus aimé.
Pourvu qu’un homme ait de l’esprit, une figure distinguée et de l’entregent, les femmes ne lui demandent jamais d’où il sort, mais où il veut aller.
Balzac, Physiologie du mariage, 1829
En 1836, la première ligne de chemin de fer civile de France est en cours d’achèvement. Elle reliera l’année suivante, à toute vapeur et en moins d’une demi-heure, Paris au Pecq, une commune située au pied de la magnifique terrasse de Saint-Germain-en-Laye. On le pressent alors, cette adaptation au transport de passagers d’un moyen de locomotion développé pour le charbon va révolutionner le territoire. Bientôt on pourra contempler la mer en Normandie, prendre les eaux dans les Pyrénées, escalader le Mont-Blanc !
Il est donc temps, en 1836, de consacrer un opéra-comique – en forme de chant du cygne – à la figure familière du postillon : c’est en effet lui qui conduit les équipages des voyageurs, depuis plus de deux siècles, sur les routes de France. En ces années 1830, l’Opéra Comique engrange ainsi de bonnes recettes en célébrant métiers et conditions, avec des titres aussi attrayants que Le Marchand forain, Le Porte-faix, Le Luthier de Vienne, Le Brasseur de Preston, Le Perruquier de la Régence... En dépit de l’impossibilité de faire caracoler des chevaux sur le plateau de l’Opéra Comique, alors logé dans un petit théâtre sis place de la Bourse, mettre en scène un postillon est à trois titres un bon calcul.
D’abord ce personnage, que l’on croise à tous les carrefours, aura le méritede séduire le public des départements – un public auquel tient l’Opéra Comique qui fournit aux nombreux théâtres de province la majeure partie de leurs saisons.
Ensuite le prétexte du voyage, avec ses rencontres imprévues, est un merveilleux point de départ pour une comédie, dont la fonction reste de peindre la société dans tous ses états. Parmi les titres à succès du répertoire de l’Opéra Comique figure, depuis 1820, cet opus de Boieldieu, Les Voitures versées, où l’on voit un nobliau angevin laisser en piteux état une route longeant sa propriété afin de pouvoir recueillir les Parisiens accidentés et se tenir ainsi informé des dernières tendances…
Enfin, le costume et les attributs officiels (fouet et cor) du postillon n’ayant pas changé depuis l’Ancien Régime, d’habiles librettistes comme Brunswick et Leuven peuvent placer l’action sous le règne libertin de Louis XV. En 1836, cela ne peut qu’amuser le bon roi Louis-Philippe d’Orléans et cela permet de camper, dans un décor rococo, un postillon-joli coeur. Cette réputation avantageuse, les postillons la doivent à leur élégance, à leur autorité de cavalier et au fard qu’ils portent pour se protéger des intempéries.
S’il est séducteur, notre postillon ne peut s’exprimer qu’avec une voix de ténor – il en va ainsi dans la typologie vocale et théâtrale de l’opéra-comique. Et comme le public qui s’embourgeoise n’aime rien tant que les histoires d’ambition et d’ascension sociale, notre postillon d’Île-de-France, officiant à Lonjumeau (sans g) sur la route d’Orléans, montera à Paris pour devenir... un divo d’opéra. D’opéra et non d’opéra-comique, ce qui permet comme au XVIIIe siècle une parodie du grand genre.
Le postillon Chapelou (nom dérivé de chapelle ou de chapeau…) ne peut devenir un ténor de l’Opéra à l’époque des Lumières – ou plus exactement un « premier sujet de l’Académie Royale de Musique » – que sous la plume d’un compositeur fin connaisseur de l’Ancien Régime. Or Adolphe Adam est, en son temps, à peu près le seul à se passionner pour les prédécesseurs de Gluck : Rameau et ses contemporains. Ce répertoire baroque a disparu avec la Révolution. Adam, lui, retrouve les oeuvres à la Bibliothèque du Conservatoire, les étudie, les apprécie. Il arrange et programme maintes pages de Rameau en concert, en ville et à la cour. Il lui consacre aussi plusieurs essais, convaincu que s’est écrite au siècle précédent une grande page de la musique française, relativement isolée d’une Europe dont Paris, au XIXe siècle, est devenue la capitale culturelle.
Le postillon Chapelou tient donc autant du ténor fétiche de Rameau, Jélyotte, que de son créateur de 1836, Jean-Baptiste Chollet. Au premier il doit son parcours professionnel, au second son tempérament charmeur et hâbleur, hérité des grandes créations de Chollet, le Fra Diavolo d’Auber et le Zampa d’Hérold.
Puisqu’à tout bon opéra-comique il faut de l’amour, auteurs et compositeur ont le bon goût d’opposer à leur postillon de grand chemin une remarquable figure de femme forte, Madeleine, comme on n’en trouve plus beaucoup depuis l’établissement du Code Napoléon. Il faudra peut-être attendre Carmen en 1875 pour revoir sur les planches de l’Opéra Comique une telle meneuse de jeu – et cela coûtera alors sa place à Leuven, devenu entretemps le directeur du théâtre. Cette Madeleine est créée par Zoé Prévost, alors en pleine crise matrimoniale avec Chollet, ce qui contribue probablement à la vérité de leur interprétation.
Comme elle, les autres interprètes issus de la troupe de l’Opéra Comique reçoivent des rôles sur mesure : c’est le cas d’Henry pour le charron Biju, de Ricquier pour le marquis de Corcy, mais aussi du couple Roy pour les rôles de Bourdon et de Rose. Les auteurs précisent, en tête de la partition publiée chez Delahante et dédiée au roi de Prusse, combien les rôles secondaires sont importants pour la réussite de cette comédie en trois actes, émaillée de treize numéros musicaux.
La création du 13 octobre 1836 remporte un succès formidable et essaime vite dans les régions puis en Europe. Dès 1837, Der Postillon von Lonjumeau est joué à Berlin, Vienne, Leipzig, Prague, partout dans le vaste Empire allemand, jusqu’à Riga où un jeune chef d’orchestre nommé Richard Wagner le dirige à plusieurs reprises, le fixant à vie dans sa mémoire… À l’Opéra Comique, l’oeuvre quitte le répertoire en 1894, peu avant avoir atteint les 700 représentations en moins de soixante ans.
En compagnie de Michael Spyres, aujourd’hui l’un des rares artistes capables d’endosser ce rôle-titre aux redoutables contreré, Sébastien Rouland et Michel Fau dépoussièrent et réhabilitent Le Postillon de Lonjumeau, avec l’amour qu’ils portent à ce répertoire élégant et insolent. Une insolence qui les pousse à convoquer Louis XV en scène – une apparition royale qu’interdisait la censure ! Mais en 2019, pourquoi se priver d’un hommage, en forme de clin d’oeil, au monarque qui donna à l’Opéra Comique le statut de troupe royale, et dont le ministre offrit à l’institution le terrain sur lequel s’élève toujours la salle Favart ?
Direction musicale, Sébastien Rouland • Mise en scène, Michel Fau • Avec Michael Spyres, Florie Valiquette, Franck Leguérinel, Laurent Kubla, Michel Fau, Yannis Ezziadi, Julien Clément Choeur accentus / Opéra de Rouen Normandie • Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie
Voir toute la distribution2h45 (entracte inclus) - Salle Favart
138, 122, 97, 75, 50, 34, 16, 6 €
Spectacle en français, surtitré en français et en anglais
Chaque année, des opéras sont accessibles en audiodescription. Des programmes en braille et en gros caractères sont disponibles gratuitement sur place. Un dispositif de « Souffleurs d’images » est aussi disponible sur demande.
Distribution
Nouvelle production
Opéra Comique
Coproduction
Opéra de Rouen Normandie
Avec le soutien de
Monsieur G.F.
Vendredi 5 avril à 20h et dimanche 7 avril à 15h
Le Postillon de Lonjumeau sera accessible en audiodescription, diffusée par casque, accompagnée d’un programme en braille ou en gros caractères.
Plus d'informations Réservation au +33(0)1 70 23 01 44
Autour du spectacle
Rencontrez les artistes, mardi 12 mars à 19h
Au parterre de la salle Favart, avec Michel Fau, metteur en scène, Emmanuel Charles, décorateur, Michael Spyres, interprète du rôle-titre, Florie Valiquette, interprète de Madeleine / Madame de Latour et Franck Leguérinel, interprète du marquis de Corcy.
Rencontre animée par Agnès Terrier.
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Les jours de spectacle : introductions au spectacle, 45 min. avant la représentation :
Les clés du spectacle, salle Bizet
Chantez Le Postillon de Lonjumeau, Foyer Favart
- Samedi 30 Mars – 20h – Iris Thion Poncet
- Lundi 1er avril – 20h - Iris Thion Poncet
- Mercredi 3 avril – 20h – Geneviève Boulestreau
- Vendredi 5 Avril – 20h - Geneviève Boulestreau
- Dimanche 7 avril – 15h - Iris Thion Poncet
- Mardi 9 avril – 20h - Geneviève Boulestreau